- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Barbirolli ,une réédition bienvenue pour Brahms

Dans le monde souvent saturé de l'édition discographique, parfois une réédition sortie par un petit label se distingue des autres disques parus au même moment. C'est le cas de ce coffret consacré aux œuvres orchestrales majeures de .

Les quatre symphonies ont été composées pendant le dernier tiers de la vie du compositeur dans un laps de temps relativement restreint (1876-1885). Œuvres de la maturité, elles marquent l'apogée du style symphonique du musicien hambourgeois. Cette version déjà ancienne et aujourd'hui rééditée dans une version de l' brillamment dirigé par Sir ancre ces symphonies dans l'héritage de la tradition symphonique classique allemande.

L'Allegro du premier mouvement de la Symphonie n°1 est ainsi joué dans un tempo assez modéré, qui peut au début surprendre l'auditeur. Le second mouvement est d'une rare beauté, tout de calme et de lyrisme retenu, avec quelques accents tragiques parfaitement amenés. Pour l'Allegretto suivant, Barbirolli choisit là aussi un tempo très tranquille et avec une nuance très douce au début. Cependant, ce mouvement, loin d'être stagnant avance tout au long grâce à une subtile gradation absolument sublime. Un dernier mouvement peut- être un peu trop tranquille dans l'Allegro ma non troppo, ma con brio (manque de brio) mais avec l'un des plus beaux Adagio-Più Andante qui n'ai jamais été entendu, en particulier lors du dialogue entre le cor et la flûte.

La Deuxième Symphonie est d'inspiration plus mozartienne que la première, dans la lignée de Beethoven. Les dynamiques sont plus étendues, le tempo plus allant dans un premier mouvement plein de vie et d'allégresse. L'intention de l'auditeur est sans cesse renouvelée grâce à la variété des couleurs sonores. Le thème aux cordes du début du deuxième mouvement est dans la parfaite nuance expressive : ni trop expressif, ni, à l'inverse, trop retenu. Le scherzo est peut-être un peu lent mais les variations constantes de nuances du pp au ff donnent une vie et un regard original à ce morceau présent dans toutes les oreilles mélomanes. Le dernier mouvement, dont le thème principal est d'essence populaire, est une sorte de course effrénée entrecoupée de passages plus lyriques faisant la part belle à un excellent pupitre de vents.

On peut faire les mêmes remarques au sujet des deux symphonies suivantes. Le célèbre premier mouvement de la Symphonie n°3 est mené d'un bout à l'autre sans nervosité mais en respectant la tension. Le deuxième, plein de grâce avec son thème à la clarinette, crée un climat d'apaisement après le premier mouvement très tendu. Le troisième mouvement est aussi tout en retenue et évite ainsi de tomber dans le lyrisme exacerbé. Pour le finale, Barbirolli a, là aussi, décidé d'un tempo assez tranquille, évitant ainsi la lourdeur et le mélange confus des masses orchestrales.

L'ultime symphonie est elle aussi tout en nuances. Le quatrième mouvement en forme de passacaille clôt magnifiquement ce cycle : tempo idéal, contrastes nombreux, maîtrise totale des effets, perfection sonore. On sort bouleversé à la fin de l'écoute de ce mouvement, l'une des plus belles pages du compositeur.

On a souvent reproché aux interprétations des symphonies de Brahms leur manque de transparence, leur absence de clarté entre les lignes. Ici, l'équilibre sonore est parfait, chaque ligne mélodique, chaque strate sonore est distincte à l'intérieur d'un tout sonore d'une très grande homogénéité. Les mêmes préoccupations se retrouvent donc dans ces quatre enregistrements : la clarté et la transparence des masses orchestrales, et un souci de la modération avec des effets dramatiques amenés généralement par des crescendos sonores très progressifs, qui génèrent une subtile émotion. C'est par ces choix que ces quatre symphonies, certes romantiques, se présentent ici aussi comme héritières directes du classicisme.

L'Ouverture Académique en ut min op. 80 fut créée le 27 Novembre 1881 à Meiningen sous la direction de l'auteur. Brahms avait été fait en 1879 Docteur honoris causa à l'université de Breslau et composa cette œuvre à titre de remerciement. C'est donc une œuvre de circonstance. Elle est basée sur des hymnes étudiants, en particulier le fameux Gaudeamus Igitur dont le thème apparaît en filigrane tout au long de la pièce avant d'être présenté entièrement à la fin. Cette pièce est assez pompeuse comme le veut le style, avec ses grandes masses orchestrales, ses nombreux tutti, ses variations sur des airs connus…mais cependant agréable à écouter. Dans l'enregistrement, l'orchestre ne cherche pas à aseptiser, à lisser le côté pompeux et sert l'œuvre avec un premier degré assumé. L' est ainsi beaucoup plus fougueux et moins dans la retenue que dans les symphonies.

L'Ouverture Tragique suit directement l'Ouverture Académique dans l'ordre compositionnel de . Changement de style avec une œuvre grave faisant là aussi appel à de grandes masses orchestrales (excellent travail d'équilibre). Ici encore, l'interprétation est tout en retenue et en nuances, évitant ainsi le pathos. Enfin, les Variations sur un thème de Haydn datant de 1876 oscillent sans cesse entre légèreté et force orchestrale. Très variées et pleines de vigueur, elles concluent de façon parfaite ce coffret.

Le seul reproche que l'on fera est l'absence de notice détaillée où il n'y a même pas les dates de Brahms, encore moins celle de composition des œuvres enregistrées! Seuls les mouvements et leur durée sont mentionnés, ce qui est dommage pour les personnes souhaitant se renseigner davantage sur les œuvres et leur interprétation.

(Visited 680 times, 1 visits today)