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Du post-romantisme au mysticisme de Scriabine par Pascal Amoyel

est considéré par beaucoup comme un compositeur à pianistes, un de ceux donc la musique fascine par la virtuosité qu'elle demande aux interprètes et qui finalement ne séduit que ces derniers ou ceux qui aimeraient être aussi bons qu'eux. Pourtant, si l'on prend la peine de s'attarder sur son œuvre, on est surpris par l'évolution de son style et la profondeur vers laquelle il tendait. , à travers cet enregistrement quasi-exhaustif, nous propose de voyager au cœur de l'univers de Scriabine, et de découvrir – avec bonheur – toutes les palettes de ce post-romantique tourné vers l'avenir. (lire son entretien en ligne)

Qui mieux qu'un interprète qui s'est familiarisé avec le piano par l'improvisation, avant les études classiques et conventionnelles, pouvait être aussi fidèle à Scriabine ? Que ce soient les poèmes les plus anciens – 1903 – ou les plus récents – 1914, juste avant la mort soudaine du compositeur -, ils brillent par leur liberté et leur souplesse apparentes. On retrouve, particulièrement dans les premières œuvres, cette dimension quasi-improvisée qui laisse libre cours au pathos et à la virtuosité proche de la musique de Chopin. C'est d'ailleurs un reproche qui est souvent fait à Scriabine : de n'être finalement qu'un imitateur de son prédécesseur. Bien que la ressemblance soit évidente, c'est faire bien peu de cas de son âme musicale : Scriabine est un pianiste qui se complaît, dans ses premières années, dans les effets d'atmosphères et de virtuosité, dans une esthétique totalement romantique, mais la profusion de notes et le caractère profond, parfois pesant de ses pages, sont sa signature. Au fil des années, le compositeur évolue dans sa vie personnelle vers une quête mystique qui s'accompagne d'une recherche d'art total et de renouveau de l'écriture musicale. Les derniers poèmes saisissent par leur finesse, leur légèreté, les effets de cloches ou de trilles contribuent à asseoir le caractère méditatif de la musique. Il ne s'agit pas d'œuvres épurées, elles exigent toujours autant de virtuosité de la part de l'interprète, mais la difficulté d'exécution n'en est finalement que plus grande : la technicité exigée doit se faire au profit de pages presque contemplatives.

A quelques années près, l'évolution stylistique de Scriabine évoque celle de Liszt. Mais ceux qui seraient tentés de lui reprocher d'être trop tourné vers le passé oublient peut-être que les œuvres de la fin de sa vie sont orientées vers un langage nouveau, parfois extatique.

A travers cet enregistrement, nous permet de redécouvrir toutes les facettes de l'œuvre de Scriabine, son évolution, dans une interprétation parfois très puissante et profonde, parfois très fine et mystique. Un hommage précieux. C'est beau et envoûtant, tout simplement.

Et pour ceux qui ne seraient pas convaincus par la simple audition de l'enregistrement, le pianiste offre un complément d'analyse très intéressant dans l'interview qui constitue presque intégralement le livret.

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