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Une belle heure de romantisme avec Lidija Bizjak

La jeune pianiste serbe a choisi d'associer dans ce nouveau disque paru chez le label Lyrinx deux sonates romantiques de deux compositeurs qui auraient pu se rencontrer et sans doute s'apprécier, Franz aurait-il vécu quelques années de plus… C'est sans doute ce que devait se dire Schumann, lui qui avait une profonde admiration pour Schubert, et qui a beaucoup fait pour diffuser la musique de son aîné viennois. Il trouvait d'ailleurs certaines de ses sonates pour piano plus profondes que celles de Beethoven.

La Sonate en la mineur de Schubert est la première à avoir été publiée de son vivant, sous l'opus 42, en 1826, c'est-à-dire deux ans avant sa mort ; pourtant, à cette date il a déjà une quinzaine de sonates plus ou moins accomplies à son actif… C'est une sonate de schéma classique en quatre mouvements, mais les développements et différents climats harmoniques générés appartiennent à une sphère nettement plus expressive et romantique. Le moderato initial est sans doute le mouvement le plus original dans son développement thématique, ses pianissimi oniriques, ses gorgées de silence. L'andante consiste en un thème innocent décliné en une formidable suite de 5 variations de climats très variés. Le scherzo est énergique et son développement inspiré, avec un trio central tout en simplicité et délicatesse. Le rondo final, vif et fuyant, est une des plus belles réussites de Schubert en la matière.

Le jeu de est dans l'ensemble très propre, très soigné, mais à notre avis inégal. Elle semble plus à son aise dans les parties les plus exigeantes sur le plan technique, comme le finale, qu'elle traite comme un tourbillon sonore tout à fait impressionnant. Par contre, dans les moments plus lents et plus introvertis du moderato par exemple, elle paraît passer un peu à côté de l'esprit de la musique, avec un jeu un peu plus mou et monotone, et on ne se sent pas transporté par la montée en puissance de la fin de ce premier mouvement, comme c'est le cas avec un pianiste comme Brendel par exemple.

L'interprétation de la Sonate n°2 op. 22 de nous paraît en revanche plus convaincante, car plus homogène dans son ensemble. Il a curieusement fallu 5 ans au compositeur allemand pour achever son œuvre dans sa version originale, 8 ans pour sa version remaniée. maîtrise parfaitement bien toute la frénésie et la passion tumultueuse du mouvement d'ouverture, avant de s'adonner avec grâce à la merveilleuse poésie mélancolique de l'andantino. Il s'ensuit un court scherzo d'une couleur nettement plus rude, alors que le final nous replonge dans l'ambiance déchaînée du premier mouvement avec un brillant presto passionato, que la pianiste maîtrise admirablement de bout en bout. Clara ne comprenait pas ce mouvement et le trouvait trop difficile… Schumann se remit donc à la tâche quelques années plus tard !

Il est curieux que le Schubert ait été programmé après le Schumann dans l'ordre des plages du disque, tant il paraît plus naturel d'apprécier l'évolution du style musical du premier vers le second. Mais c'est tout de même dans l'ensemble un très beau disque avec une très talentueuse Lidija Bizjak qui vient apporter à ces deux chef-d'œuvres du romantisme une belle dose de fraîcheur.

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