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John Dowland et crossover : un homme au luth fait chanter le policeman

Il faut le dire tout de suite : cet album suscite beaucoup d'intérêt en raison de la personnalité de l'interprète et du répertoire choisi.

Gordon Sumner, alias , était dans les années soixante-dix l'éminent chanteur du groupe The Police avant de poursuivre la carrière en solo que l'on sait. Fin musicien, il connaît ses classiques : la chanson Russians utilise ainsi une mélodie de Prokofiev.

Ayant découvert assez récemment ses œuvres par l'intermédiaire d'amis musiciens, il a eu envie d'enregistrer (chez DG, label classique s'il en est) quelques-uns des Aires de . Le compositeur en a publié trois recueils qui peuvent aussi bien se chanter en polyphonie qu'en solo accompagnés par un luth. C'est généralement cette dernière option qui a été choisie par . Dowland, en cette fin du XVIe siècle, est l'un des spécialistes de la mélancolie en musique : la plupart de ses airs ont des textes qui font référence à la tristesse, aux pleurs, aux chagrins d'amour (les deux premiers étant souvent la conséquence du troisième). a voulu cet album comme « une bande-son de la vie de Dowland » et, parmi les vingt-trois plages, lit des lettres du compositeur à sept reprises.

La technique vocale demandée n'est théoriquement pas insurmontable, cette musique étant assez éloignée de celle, beaucoup plus virtuose, des musiciens italiens contemporains de Dowland comme Caccini. Or, la première écoute peut agacer un tantinet si on a dans l'oreille les versions des chanteurs « classiques » habituels (Alfred Deller pour les hommes ou Emma Kirby pour les femmes) car justement, les défauts s'entendent : le souffle est un peu court, le timbre n'est pas très joli, presque voilé, les aigus ne sont plus ce qu'ils étaient du temps de Roxane et Sting les attaque souvent un peu trop bas avant de corriger et d'atteindre la hauteur voulue. Si on se précipite sur Flow, my tears, un des « tubes » de Dowland à l'époque, on peut être légèrement déçu : le compte vocal n'y est pas toujours.

Mais les écoutes suivantes nous font finalement oublier la technique pour ne retenir que l'intention et l'émotion données par le chanteur et son luthiste, l'excellent Edin Karamazov, et là, le charme opère. Pour un peu, quelqu'un de non averti pourrait facilement lui attribuer la paternité des chansons et ne pas imaginer qu'elles ont été écrites il y a plus de quatre siècles, les univers du compositeur et du chanteur se rejoignant très bien. Ouf ! Expérience périlleuse à priori mais notre « policeman » s'en est finalement très honnêtement sorti. À écouter, donc.

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