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In Paradisum

S'il devait y avoir un palmarès du programme de concert le plus indigent, celui de cette soirée gagnerait le premier prix. Entre deux vastes encarts de publicité s'insèrent quelques notices sur les œuvres et les compositeurs où s'alignent les fautes et oublis les plus variés. Flos Campi nécessite un alto solo, mais donner le nom de l'instrumentiste aurait été visiblement un effort inutile.

Les Chants Bibliques, à l'origine pour baryton, sont devenus pour soprano, et Gabriel Fauré, organiste de la Madeleine, s'est retrouvé propulsé maître de chapelle (chef de chœur) de cette même église. Enfin préciser que le Requiem de ce soir était donné dans sa version d'origine et non celle pour grand orchestre aurait été une précaution bienvenue, mais le concepteur de cette feuille de chou royalement vendue 5€ n'en a eu cure.

Une fois le désagrément passé, place à la musique. Flos Campi, curieuse pièce pour alto (instrumental) solo, chœur et orchestre d'après le Cantique des Cantiques n'est visiblement pas fait pour Gaveau. Les voix dominent l'orchestre, ce qui, pour une pièce où le rôle du chœur est instrumental, est plutôt gênant. L'altiste dont on ne connaîtra jamais le nom mérite son anonymat : pas une note n'est juste ni en place, il annone sa partition plus qu'il ne la joue, les yeux fixés sur le chef tout en étant systématiquement à coté de la pulsation. Pourtant opte pour des tempi lents et tente de créer l'atmosphère mystique propre à ce genre d'œuvre préraphaélite, mais l'acoustique de Gaveau rend vains tous ces efforts. Les Chants Bibliques sonnent mieux dans cette salle, surtout grâce à l'excellence de , déjà remarqué lors du dernier Festival Présence. L', ici dans une disposition chambriste avec un pupitre de cordes réduit au minimum, sonne maigrelet, les vents et percussions étant trop surexposés.

Contrairement à Myung Whun Chung qui l'avait donné cinq jours plus tôt dans sa version symphonique (dont on doute à ce jour qu'elle soit du compositeur), le Requiem de Fauré était proposé ce soir en version originale « de chambre », pour violon solo, altos, violoncelles, contrebasses, cors, trompettes, trombones, harpe et orgue. L'instrumentation inhabituelle était due aux musiciens que Fauré avait à sa disposition à la Madeleine (d'où le nom de « version liturgique »), mais c'est pourtant dans un théâtre (le Vieux-Colombier) que fut créé ce Requiem. Après tout, celui de Duruflé, systématiquement donné dans un lieu de culte, a bien été donné en première mondiale à Gaveau.

exige de ses musiciens des nuances infinies, toujours dans des tempi lents. Il étire au maximum les phrases musicales, soigne et dose les coloris de son orchestre, et dépossède la partition de tout contenu charnel. Si cette position quasiment désincarnée peut être contestable, il n'empêche que par la cohérence de sa lecture et le rendu quasi parfait de ses interprètes, reste un des plus grands chefs de chœur actuel et mériterait une couverture médiatique au moins équivalent à quelques-uns de ses confrères.

Crédit photographique : © DR

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