- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Thomas Larcher au piano, une schubertiade pour Schœnberg

Cela pourrait passer pour une formule « deux en un ». Ce premier concert du cycle « la poursuite » pouvait effectivement donner l'impression de ne pas être un seul concert, mais au moins deux. Au cœur du programme, un large extrait du CD enregistré en 2001 par qui, très fidèle à l'esprit des productions d'ECM, alternait des pièces pour piano d' et Schubert. Aussi, comme en périphérie d'un plat de résistance Schœnberg-Schubert, des œuvres ultra-récentes, aux auteurs vivants : une « entrée » de Neuwirth tout d'abord, un « fromage » de Larcher lui-même et (en « dessert ») la création mondiale d'une œuvre de Fabien Levy. Mais s'il fallait vraiment chapitrer un tel récital, il faudrait aller jusqu'à reprendre les œuvres une à une, indifféremment du fait que le pianiste les associait. C'était au contraire tout le charme du récital de de diluer telle ou telle question superficielle et consensuelle (que fait Schubert dans l'écho de Schœnberg ? ou que devient l'avant-garde ponctuée par des pages romantiques ?), dans un programme dont chacun des plats offrait une grande variété de plans, une terrible subtilité de coupes d'un temps à l'autre.

Au sortir de Incodendo / fluido, l'œuvre d', il était déjà limpide que c'est la structure qui appelait une sorte de séquençage. Si bien que les mini-chapitres étaient nécessairement plus liés que de simples miniatures hétérogènes. Et de valoriser leurs sensualités réciproques d'une précision percussive concentrée. De l'avantage d'être en hauteur, avec vue plongeante sur les marteaux, de la même façon, le spectacle des articulations devait faire Schubert plus évident encore : certes, dans la Klavierstücke D946, la rondeur de l'intention pouvait parfois peser. Mais si sourdait comme trop d'homogénéité dans le caractère, le retour à Schœnberg et l'Allegretto de Schubert n'étaient que plus stupéfiants et, au lieu d'être discutablement rapprochés, jouissaient franchement d'être aussi problématiquement assortis que les petites pièces de l'opus 19 de Schœnberg. Ainsi, Schubert sonnait en ellipse de son correspondant là où, théoriquement, pouvait s'attendre un jump cut harmonique mollement moderniste au plus. D'ailleurs, l'œuvre de (et par) Thomas Larcher aussi, distribuait des coloris très distincts, les uns après les autres, autant de plans dont la volupté ne cessait de s'enrichir des transitions chromatiques

Pour reprendre les termes du musicologue Joël-Marie Fauquet, «  sollicite de façon particulièrement imaginative les diverses modalités du jeu instrumental. Chaque pièce apparaît comme une façon différente d'élaborer une poétique du timbre. » En l'occurrence, il s'agissait moins d'une œuvre que d'un dispositif ou d'une « méta-partition » utilisant l'ordinateur pour traiter des extraits relevés dans le reste du concert. Si la procédure peut sembler aussi cafouilleuse qu'excitante sur le papier, il en ressortait une œuvre, indiscutablement, plus que des effets d'agrégation, un tangible souci de forme.

Aussi bien zoom que travelling, « tout à la fois poursuite lumière au théâtre, poursuite d'une tradition instrumentale s'élargissant par l'électronique, poursuite d'une pensée musicale par-delà les séparations historiques », le nouveau cycle de l'Ircam au Théâtre des Bouffes du Nord compte multiplier les échanges entre le grand répertoire et ses propres commandes, avec de nouvelles branches les 8 janvier et 12 février.

Crédit photographie : © Priska Ketterer

(Visited 109 times, 1 visits today)