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La voix lumineuse de Renée Fleming

L'âge d'or des cantatrices n'est plus. Le Panthéon lyrique affiche complet et a refermé à jamais la grande porte d'entrée de son caveau. Il faut un sacré coup de gueule pour forcer la serrure d'un tel lieu.

Entourée de fleurs et de parfums, prend la pose, – gravures à l'ancienne, imitant celles au burin et eaux-fortes – aux côtés des Lotte Lehmann, Maria Jeritza, Rosa Ponselle, Geraldine Farrar, Magda Olivero et autres Mary Garden. C'est un hommage rendu et partagé, des affinités électives, une liaison sororale. C'est dans cet état d'esprit que la soprano américaine a décidé de gravir les marches et d'aller à la rencontre de ses sœurs aînées. Désormais, le ciel lyrique n'attend plus la mort pour s'ouvrir à la béatification des plus grandes voix. C'est l'ascension d'Orphée, harmonisée aux doux accords de la lyre, au-dessus de la mêlée cacophonique des simples mortels.

Choix éclectique et raffiné, coupe sagittale dans un programme qui se veut élitiste, ce sont quelques fleurs rares restées dans l'ombre qui ne demandent qu'un peu d'eau pure et de lumière pour rafraîchir le sens auditif des mélomanes. C'est une opération délicate, une sorte de trépanation réussie dans le répertoire lyrique obscur. Voix sensuelle et voluptueuse dans le « Vissi d'arte » de Tosca de Puccini, suavité du timbre dans le « Taceo la notte » du Trovatore de Verdi, ces pages archiconnues côtoient le sublime d'Heliane et Die Kathrin de Korngold ou encore l'étrange Servilia de Rimski-Korsakov. La voix se moule parfaitement aux exigences demandées. Lignes parfois abruptes ou sinueuses, la soprano réussit à traduire l'émotion ainsi contenue. Trésor abandonné par les théâtres d'aujourd'hui, la Cléopâtre de Massenet mériterait de revivre sur scène. « J'ai versé le poison dans cette coupe d'or » nous renverse par la force dramatique.

Comment définir la voix de  ? Georg Solti l'appelait affectueusement Madame double-crème, vite devenue le sobriquet pour la diminuer. C'est une voix exceptionnelle, une romantique à la voix lumineuse et ce disque réussit à nous rendre tout l'art de . Ce n'est pas seulement un hommage, mais une manière nouvelle et très personnelle de s'approprier un répertoire situé entre 1870 et 1920. Nature inquiète, recherchant hors des sentiers battus la perfection dans le respect des modulations et du rythme, des couleurs chatoyantes, elle s'inscrit dans la grande tradition lyrique renouant avec l'époque luxuriante de ses aînées.

Sous la baguette de , l'Orchestre enflammé du Théâtre Marinsky, nous captive par ses caractéristiques rythmiques et mélodiques. Il fallait un romantique passionné, un alter ego, pour donner des ailes à la diva.

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