- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Sibelius, la Nymphe et l’écho

La Nymphe et l'écho… il était une vierge, une fille de l'air… une vague poussa la vierge, malheureuse quelle est ma vie ! … le nid roula dans l'eau… les œufs commencèrent à se transformer, le haut de l'œuf devint le ciel ; … une jeune fille observe la troupe des oiseaux au printemps… « je suis gaie mais la tristesse me ronge »… « ils ont souillé la rosée déposée sur le lis ; entonnez votre chant funèbre, vagues mélancoliques ; roseaux, soupirez, vagues, frappez… mon bien aimé a abattu un pin, et on a construit un bateau pour amener chez lui sa fiancée…

Tel est l'univers de compositeur de mélodies : amour, jeunesse, vieillesse, éléments naturels et surnaturels, hostiles ou amis, vie, mort, naissance, drames humains, bref, beaucoup de romantisme. Il met en musique des productions contemporaines de poètes suédois ou finlandais, tels Runeberg, Hedberg, Josephson, Fröding. Quelle découvertes ou quelles confirmations musicales ! Et puis dans ce chapelet de 18 diamants, un gros « caillou », Luonnotar, la fille de la nature, op. 70, véritable poème symphonique pour voix, d'une durée de plus de 8 minutes, qui traite de l'origine du monde, rien que çà ! Composée pour le festival de Gloucester de 1913 et créée par la soprano Aino Ackté qui devait aussi chanter la scène finale de Salomé, il s'agit d'une œuvre étonnante, très intense, dernière œuvre de Sibelius fondée sur le Kalevala, épopée nationale Finlandaise, et dont la partie vocale est malaisée avec ses sauts d'intervalles inattendus et ses lignes musicales pleines d'aspérités.

Il est impossible de détailler l'intérêt particulier de chacune de ces mélodies, composées entre 1890 et 1915, et qui sont toutes présentées ici en version orchestrale alors que la plupart d'entre elles, à l'origine écrites pour voix et piano, ont été orchestrées bien plus tard, par Sibelius lui-même ou par des chefs d'orchestres très proches de lui. Disons simplement qu'on a là un très bel échantillon de l'art musical et poétique de notre compositeur qui dépasse largement l'image qui lui est usuellement attachée, celle un peu anecdotique d'un peintre de la nature et des sentiments nordiques… et rien d'autre.

En effet, dans le cas présent, et comme dans les productions comparables de Gustav Mahler, on trouve des parentés très fortes entre ces mélodies et les sept symphonies ; dans les effets tectoniques de l'orchestre (tempête de Luonnotar), les ostinatos mystérieux de cordes, le choc des timbres et des masses sonores, l'utilisation fort raffinée des bois.

Il faut aussi souligner la parfaite prestation de la soprano , qui met toutes ses qualités vocales au service de ces poésies et de cette musique qu'elle connaît parfaitement, ainsi que celle de l', magistralement dirigé par Leif Segestam, son 11ème chef principal depuis 1995, qui est exactement dans la même position par rapport à cette musique, encore trop mal connue et appréciée en France.

Luonnotar bénéficie de plusieurs enregistrement CD, à coté desquels celui-ci n'a pas à rougir ; les enregistrements des mélodies sont plus rares.

Un CD à mettre entre toutes les oreilles, et au plus vite, grâce à ses grandes qualités musicales et surtout, des belles découvertes qu'il permet.

(Visited 184 times, 1 visits today)