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Mozart premier cru

Wolfgang, premiers chefs-d’œuvre ?

C’est en 1987 qu’est née la Camerata de Bourgogne, sous l’impulsion de Thierry Caens, trompettiste mondialement connu et enfant du pays. Cette association a l’ambition de produire une dizaine de concerts par an avec la participation à géométrie variable de musiciens locaux, principalement en partenariat avec le Conservatoire national de région, sans exclure des amateurs éclairés. Mais cela ne l’empêche nullement de travailler avec des invités, tels Jean-Pierre Wallez, et depuis deux ans Régis Pasquier. Quant au chef de chœur Roger Toulet, il est sollicité régulièrement par l’association. Les répertoires abordés sont très divers : ils vont de la musique de film à des créations, en passant par des œuvres classiques des derniers siècles. La Bourgogne associant très souvent le vin à la vie culturelle, la Camerata proposera le 13 janvier 2007 un « concert-fourchette » unissant agapes, crus de Bourgogne et musique instrumentale : musique et vins, quoi de plus délectable ?

Sous le titre interrogatif : « Wolfgang, premiers chefs-d’œuvre ? », sont présentées quelques œuvres écrites par le jeune Mozart entre 1764 et 1771, c’est-à-dire au plus tard à l’âge de 15 ans. Il faut rendre grâce à Roger Toulet d’avoir choisi ce programme inusité et de l’avoir présenté d’une manière à la fois originale et musicologique : l’ordre du concert respecte la tradition des offices catholiques du temps de l’impératrice Marie-Thérèse, qui faisaient alterner les prières de l’ordinaire de la messe avec d’autres pièces vocales et instrumentales.

Ainsi nous avons d’abord entendu le psaume composé par Mozart à neuf ans lors de son voyage en Angleterre, God is our refuge K20. Ce court motet est émouvant par ses maladresses même, notamment dans la seconde partie écrite en contrepoint. Cependant l’usage de la tonalité en sol mineur donne du poids à cette œuvre, surtout quand on sait ce que cette tonalité représentera pour l’auteur par la suite. La jolie Missa brevis K49, dont le style est fort prometteur, a été composée en 1768 avec un accompagnement réduit au quatuor à cordes et à l’orgue : dans cette interprétation, le clavecin est tenu par le modeste et excellent René Bouley et la contrebasse renforce le violoncelle. Les chœurs Roger Toulet y participent avec entrain, malgré parfois quelques approximations dans la justesse.

Après le Kyrie et le Gloria, vient le motet Scande cœli limina écrit en 1767 pour la fête de Saint-Benoît au monastère bavarois de Seeon. Il débute par une aria qui est le moment le plus émouvant du concert : la jeune soprano de 22 ans Clémentine Decouture, élève du Conservatoire de Dijon, possède une voix puissante d’une rondeur et d’une souplesse pleines de musicalité : à suivre… Deux des six sonates composées à La Haye en 1766 succèdent, l’une au motet, et l’autre au Benedictus. Elles nous montrent deux bons exemples du style de la transition du baroque au classicisme ; le clavecin y est mis en valeur, mais le violoncelle reste le plus souvent dans son rôle de basse continue. Après le Credo, dont Mozart a compris que le texte était favorable aux oppositions stylistiques, vient le motet Inter natos mulierum, qui est l’œuvre la plus aboutie tant sur le plan de la forme que sur celui de l’écriture. Il daterait de 1771 et a aussi été composé pour le monastère de Seeon. Peu importe que l’attribution de cette œuvre au jeune Mozart ait été contestée ! Nous n’avons pas boudé notre plaisir, car les interventions des deux solistes femmes, Clémentine Decouture et Caroline Leclerc, y ont fait merveille, surpassant aisément les voix masculines encore un peu juvéniles. Le Te Deum de 1769 qui clôt le programme est bien dans l’air du temps, et cette interprétation peut parfois sembler trop martiale pour une œuvre de style galant.

Une soirée fort intéressante, qui nous a permis de découvrir les premiers essais d’un tout jeune compositeur dont on pressent le génie. On reste songeur devant cette précocité et dans Scande cœli limina on croit déjà entendre les accents de la Suzanne des Noces de Figaro.

Crédit photographique : © Ca merata de Bourgogne

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