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La chute de Balthazar

Belshazzar, composé par Haendel en 1745, révisé en 1751 et 1758, est une œuvre ambiguë. Oratorio ou opéra ? La langue anglaise, la période de composition, sa désignation par le compositeur même, la classent dans la catégorie des oratorios.

Cependant le livret, adapté de la Bible, raconte une véritable histoire, riche en situations dramatiques, avec, contrairement au Messie du même librettiste par exemple, une action qui progresse, des moments de suspense, et des héros de chair et de sang. Tout ceci magnifié par la musique de Haendel. L’apparition de la main fantomatique, entre autre, est traitée d’une manière très « cinématographique » si l’on ose dire, avec une montée piano des violons, le héros ne pouvant qu’émettre un soupir d’horreur.

L’histoire est celle de Balthazar, régent de Babylone, dont la ville est assiégée par les Perses commandés par Cyrus, lui-même secondé par le noble babylonien Gobrias, rallié quand Balthazar a assassiné son fils. Balthazar commet un sacrilège envers le Dieu des Juifs, en buvant dans les vases sacrés enlevés au Temple de Jérusalem. Une main fantomatique trace alors les mots Manè, Thécel, Pharès sur le mur. Le prophète juif Daniel, appelé pour expliquer ce phénomène, lui prédit que ces mots annoncent la fin prochaine de son empire. Effectivement Cyrus, ayant détourné le cours de l’Euphrate, envahit Babylone.

La discographie de Belshazzar est relativement fournie ; ce live provenant d’un concert au monastère de Maulbronn, lieu spécialisé dans l’oratorio baroque, et tout particulièrement de Haendel, possède des qualités indéniables…et quelques défauts rebutants !

L’atout majeur de cet enregistrement est sans conteste le Hannoversche Hofkapelle, qui sonne magnifiquement. Très curieusement, alors que les musiciens jouent sur des copies d’instruments anciens avec un diapason à 415, le timbre pimpant, brillant, pourrait laisser croire lors d’une écoute à l’aveugle qu’il s’agit d’instruments modernes sur lesquels on jouerait à 440, mais sans vibrato ! La direction de Jürgen Budday, directeur artistique des concerts du monastère de Maulbronn, est vive, nerveuse, mais jamais précipitée, et sait ménager les instants de tension dramatique. Le Maulbronner Kammerchor connaît son Haendel sur le bout des cordes vocales, et, ne se contentant pas de faire du beau son, est un protagoniste à part entière, Haendel ayant confié au chœur des pages fort belles et originales.

Mais quelle mauvaise idée de confier le rôle de Daniel à Michael Chance ! le monde musical ne manque pourtant pas de contre-ténors possédant un timbre plus séduisant ! Ce prophète à la voix sèche et sans grâce ne convainc à aucun moment. Hélas, l’autre contre-ténor, Patrick Van Gœthem (Cyrus) n’est pas beaucoup plus joli à entendre, non plus que la basse André Morsch en Gobrias. La première scène entre Cyrus et Gobrias devient alors vraiment longuette (il s’agit de la version de 1751, dans laquelle la scène d’ouverture de Nitocris a été supprimée).

C’est donc avec soulagement qu’on entend l’entrée du ténor Mark LeBrocq dans le rôle-titre, qui donne enfin un peu de vie à la musique, même si les aléas du live lui occasionnent certains aigus couaqués ! Il ose même quelques ornementations dans les reprises, car, même si Haendel a osé des formes nouvelles en proposant peu d’arie da capo, tout ce petit monde ne se soucie guère de les varier, ce qui est plus que surprenant lors d’une représentation authentiquement baroque !

Pour compléter la distribution, la très jolie Nitocris de Miriam Allan, voix angélique, très claire, un peu fragile, elle aussi peu concernée par l’ornementation.

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