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Haitink : Beethoven à Buckingham Palace

La publication de la nouvelle intégrale de Beethoven par et le vient de s'achever, et les réserves exprimées par les rédacteurs de ResMusica pour les Symphonies n°2 et 6, n°3 et n°7 trouvent à s'appliquer aux symphonies restantes, qu'il s'agisse de la prise de son péniblement démonstrative dans l'acoustique sèche de la salle du Barbican comme de la raideur bruyante de l'interprétation.

Le style du grand , gardien de la meilleure tradition orchestrale européenne, est ici méconnaissable. Les concerts dont sont issus ces enregistrements ont reçu un excellent accueil critique, ce qui donne du crédit à cette remarque piquante du très spirituel – et très British – Sir Thomas Beecham : « Il n'est pas vrai que les Anglais n'aiment pas la musique. Peut-être ne la comprennent-ils pas, mais ils aiment les bruits qu'elle fait ». Haitink n'est pas un dictateur de la baguette. Il dit lui-même qu'il tient à laisser à l'orchestre sa personnalité. On en a ici une évidente illustration : cette interprétation lui ressemble moins qu'elle ne ressemble au LSO, et au goût très britannique pour le lustre des cérémonies officielles. L'illustration la plus fameuse en est les Pump and Circumstances d'Elgar.

Les mélomanes qui souhaitent entendre Beethoven par Haitink se détourneront de cette intégrale, mais tout n'est pas perdu. Ceux qui vénèrent Elgar et les relèves de la garde de Buckingham Palace trouveront peut-être le Beethoven de leurs rêves. Ecoutez ces enregistrements, fermez les yeux et imaginez-vous devant les différents palais officiels. Immanquablement c'est à Londres que vous vous retrouverez. Ce panache fier et millimétré, impressionnant mais sans débordement, c'est tout le prestige de l'armée anglaise. A Berlin ? On n'oserait pas ces timbales martiales. A Paris ? L'Elysée ne songerait pas à exprimer le sentiment patriotique avec autant de solennité et de pompe. A Washington ? La Maison Blanche exigerait de ses musiciens du liant, du sentiment, un pathétique à faire pleurer les porteurs de la bannière étoilée.

Dernier élément d'explication, musicologique celui-ci : toute nouvelle interprétation du corpus symphonique de Beethoven doit désormais d'une part se fonder sur la nouvelle édition Bärenreiter, d'autre part se mesurer au travail de dégraissage mené par Harnoncourt. Le temps n'est plus aux machines orchestrales élégantes et bien huilées – là où Haitink aurait pu faire merveille –ne parlons pas du souffle métaphysique et philosophique de Furtwängler, la recette du sorcier est perdue. Formons le vœu qu'Haitink parvienne rapidement à se libérer de ce carcan pour enregistrer l'intégrale de Beethoven qui lui ressemble.

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