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Musicatreize fait ses contes

C'est à une nouvelle expérience d'« art total » que nous convie l'Ensemble à travers son cycle Les Sept contes de , dont paraît le premier opus Les Sorcières, issu d'un poème de la poétesse portugaise Maria Teresa Horta.

L'effectif de 13 musiciens de cet ensemble créé en 1987 et sa vocation de création contemporaine le protègent de la démesure wagnérienne, mais pour le reste il s'agit bien de réunir musique, littérature et théâtre – les illustrations du livre servant également à la représentation scénique.

Maria Teresa Horta n'est pas une créatrice consensuelle au Portugal, où l'importance de la sexualité dans sa poésie lui a valu des poursuites judiciaires pour atteintes aux bonnes mœurs. Les sorcières d'Horta sont les femmes d'aujourd'hui et de toujours, transformées pour les besoins poétiques en personnages mythiques, excessifs, déconnectés de la réalité immédiate et par conséquent acceptables. Quand la sorcière défie l'inquisiteur, on entend la femme défier l'homme portugais : « Je défie tes pouvoirs / juchés / sur la peur / Je garde entier mon secret », ou encore « Avant tout je suis mienne / dans mon très rugueux destin ». Le poème en dit long sur la psychologie de la société portugaise, où l'avortement est toujours illégal (un référendum est prévu sur cette question début 2007), et pour laquelle la question douloureuse de l'abus sexuel des enfants relève du tabou. Dans ce contexte la sorcière sape également les certitudes les plus intimes du mâle : « Je suis femme / Je suis ensorceleuse / Je suis sorcière / Dans mon étreinte / Je désobéis et j'invente / Je subvertis ce que je fais ».

La mise en musique d' qui est une réussite, en ce qu'elle entretient les couleurs rugueuses et sulfureuses qu'on attend d'une évocation de la sorcellerie, sans tomber dans le folklore ou l'illustration. Son opéra de chambre Melodias Estranhas (2001) traitait déjà du thème de la liberté à travers le destin tragique du compositeur et philosophe humaniste Damião de Góis (1502-1574). Emprisonné et jugé par l'Inquisition pour avoir composé de la musique polyphonique, celui-ci sera libéré avant de mourir dans des circonstances mystérieuses. L'Ensemble est parfaitement à l'aise dans cette nouvelle œuvre qu'il a commandée et créée, et qu'il s'apprête à interpréter au Portugal. Quelle que soit la valeur artistique que le public portugais accordera à ce projet, sa dimension politique ne devrait échapper à personne.

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