Révélé au public en 1935 grâce à Mana, recueil de six pièces pour piano, André Jolivet, qui vouait à Edgar Varèse une profonde admiration, composa une musique énergique, novatrice, aux sonorités et aux rythmes audacieux.
Convaincu de la fonction ésotérique de la musique à qui il assignait une valeur humaniste, il avait pour ambition de « rendre à la musique son sens originel antique, lorsqu'elle était l'expression magique et incantatoire de la religiosité des groupements humains ».
Mario Caroli (surnommé par certains le Paganini de la flûte) et Silva Costanzo nous présentent une sélection des plus célèbres pièces du répertoire, couvrant presque l'ensemble du parcours créateur de Jolivet : deux morceaux pour flûte et piano (La Sonate et Le Chant de Linos) et deux cycles pour flûte seule (Cinq Incantations et Ascèses) en plus de la courte Incantation.
Mario Caroli et Silva Costanzo abordent avec beaucoup de maîtrise un répertoire où la moindre faute de goût se remarquerait instantanément. Ils nous démontrent l'étendue de leur art : sens de la respiration, richesse de la palette sonore, musicalité mise au service d'une sensibilité extrême, et surtout respect de l'exploration harmonique et rythmique de l'œuvre.
Là où bon nombre de flûtistes mettent un point d'honneur à inscrire Le Chant de Linos à leur répertoire uniquement en raison de sa difficulté technique, Mario Caroli est incontestablement habité par l'œuvre — sa flûte nous en dit toute la force explosive, nous en révèle la puissance expressive. Les élans de virtuosité (désirés par Jolivet) sont de véritables appels vers l'au-delà.
Signalons également, car cela se rencontre rarement, que Mario Caroli a lui-même écrit le fascicule qui accompagne le disque où il nous démontre de façon magistrale sa vision de Jolivet. Un vrai bonheur de lecture pour les mélomanes.
Gageons que ce disque, dans lequel Caroli a mis toute son âme, saura nous transporter à la pointe de l'esprit de Jolivet.