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Chopin en liberté

Commençons par saluer la plaquette, qui, plutôt que de ressasser les inévitables éléments biographiques liés aux deux concertos de Chopin, opte pour une analyse esthétique précise de l'enregistrement des concertos, avec une objectivité qui touche à la scientificité (les propos du rédacteur sont jalonnés d'extraits de presse d'époque à l'appui).

Le présent disque tient à juxtaposer deux pianistes de l'âge d'or des virtuoses polonais, dont les sens esthétiques étaient diamétralement opposés. Rosenthal est « le romantique enraciné dans le XIXe siècle», Hofmann « le moderne tourné vers le présent ». Caricaturale, cette image doit être tempérée.

C'est principalement dans les mouvements lents que l'on prend la mesure du gouffre qui sépare les deux pianistes. Rosenthal ne joue pas un seul instant les mains ensembles sa Romance, quand Hofmann donne un Larghetto d'une rigueur qui frappe au premier abord mais qui à force d'écoute apparaît comme une marque de sincérité (on pense à Wihlelm Backhaus).

C'est ce même Hofmann qui pourtant n'hésite pas à doubler les basses à l'envi, ou encore à improviser une seconde cadence durant le Larghetto, geste aujourd'hui irrecevable. Les passages virtuoses des concertos sont abordés par Rosenthal de la même manière que son confrère : l'attaque y est directe, le rubato peu présent, le pathos inexistant.

Il y aurait donc une part de modernisme chez Rosenthal, et une non-absence du romantisme chez Hofmann. Le livret montre cette ambiguïté quand il nous dit : « Alors, l'histoire a-t-elle tort dans son évaluation et sa classification de ? Jugez par vous-mêmes. »

Rosenthal avait près de soixante-dix ans lors de l'enregistrement, Hofmann soixante. C'est assez pour faire taire l'idée que les virtuoses d'autrefois ne tiendraient pas la comparaison avec ceux d'aujourd'hui.

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