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Chostakovitch selon son fils

L'année Chostakovitch se conclut avec l'édition d'une nouvelle intégrale des symphonies confiées à son fils Maxime, déjà l'auteur d'une solide discographie dédiée à l'œuvre de son père. Lors de ses débuts soviétiques, il avait gravé pour Melodiya une symphonie n°5 exemplaire de tension et de puissance. Ensuite au début de l'ère digitale, il fut l'auteur d'enregistrements assez oubliables de certaines symphonies avec des orchestres londoniens pour le défunt label Collins. Après également plusieurs accompagnements de concertos pour Chandos, Philips et Warner, il lègue enfin sa vision de cet Everest symphonique.

Le bilan est certes satisfaisant du point de vue sa conduite. Maxime Chostakovitch dirige assez vite des fresques équilibrées et fort bien construites, sans insuffler toutefois aux notes le drame nécessaire pour transcender ces partitions marquées du sceau de l'Histoire. Mais le gros problème de cette intégrale réside dans l' capté en concert. Il s'agit d'une honorable phalange, besogneuse, sans caractéristique ni charme particulier au niveau des timbres, que l'exercice du concert soumet à de sérieuses épreuves. On surprend ainsi les pupitres de cuivres à défaut de précision et d'homogénéité. Les vents ne sont pas en reste avec une flûte passablement égarée dans la symphonie Leningrad. Le tout produisant des dynamiques qui manquent de peps, d'autant plus que la prise de son est convenable mais bien en dessous de ce que l'on peut entendre chez certains autres interprètes récents (Kitaenko, Caetani sans oublier le début d'intégrale multi-céphale de Pentatone).

Comme toute intégrale, ce travail comporte des points forts et des déceptions. Au rang des grosses déceptions, il faut ranger une symphonie n°5 lourde et décharnée à force de verticalité. Il en va de même pour une symphonie n°10 où les carences de l'orchestre s'additionnent au manque de vision d'ensemble du chef. Si dans certaines symphonies de puncheur comme les n°7 et n°12 cela peut fonctionner, il en va tout autrement dans des symphonies « à habiter » comme les n°8, n°15. Cette dernière étant cruellement desservie par un orchestre avare de tranchant. Les symphonies n°2 et n°3 sont scrupuleuses mais elles manquent d'arrêtes et de projection. Sans compter que le Chœur Philharmonique de Prague n'apparaît pas ici sous son meilleur jour. On est ici loin du choc provoqué à l'écoute des versions Kitaenko (Capriccio). Il en va de même pour une symphonie n°14 bien plate tant instrumentalement que vocalement.

Au rang des satisfactions, il faut compter avec une Symphonie n°13 assez carrée et brutale, mais traversée par un indéniable souffle. Les hommes du chœur Philharmonique de Prague sont au diapason de cette rage conquérante. Grand connaisseur de l'œuvre qu'il a déjà enregistrée avec Ladislas Slovak pour Naxos, Peter Mikulas manifeste un engagement qui fait oublier ses défauts vocaux. La symphonie n°6 est fort bien troussée, surtout dans ses mouvements rapides, qui sonnent avec précision et puissance. Plus orchestrale que dramatique, la symphonie n°4 se tire très bien de ce traitement au premier degré et l'orchestre est dans l'ensemble plus appliqué.

En conclusion, ce coffret ne peut malheureusement s'imposer dans un contexte discographique où le brio des plus grandes phalanges mondiales se dispute à l'engagement de chefs qui vivent viscéralement cette musique. Le plus cruel aspect réside dans l'absence de vécu de cette musique pour un chef d'orchestre qui a traversé les évènements auprès de son père, et cela apparaît d'autant plus navrant que Maxime possède « le bras » pour assurer une exécution techniquement en place de ces œuvres. Retour donc à nos références classiques : Barshai (Brilliant), Kitaenko (Capriccio), Haitink (Decca), Kondrashin (Meloyia)…

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