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Véronique Doisneau

Mezzo

Attention, témoignage important ! Ce programme est composé d'une partie introductive par et , et du spectacle . Celui-ci est amené sur scène par une seule artiste, une femme, une danseuse, qui est le sujet. A la fois dans le corps de ballet et potentiellement soliste, elle se trouve à la croisée des chemins, dans l'anonymat de la masse dansante ou dans la démonstration de ses capacités en tant que demi-soliste. La présentation est terrible, cinglante : c'est son dernier spectacle, la danseuse est remerciée par l'Opéra après ses vingt cinq années de services, et l'âge de la retraite marque la fin de sa carrière artistique ; quoiqu'il en soit, jamais plus elle ne se retrouvera sur le devant de la scène. Au moins, toujours a-t-elle su qu'elle ne serait jamais Etoile. Avec le temps, les rêves se sont estompés : Giselle, le rôle rêvé, ne lui sera pas donné. Suit la cynique musique du Lac des Cygnes, qui l'oblige à l'immobilité, laissant les solistes évoluer, et jetant quelques mesures pour les laisser récupérer pendant que le corps de ballet occupe le vide pour empêcher l'ennui du spectateur de s'installer. Puis, c'est la fin. Qu'advient-il du danseur, humain fatigué et essoufflé, après une représentation, après avoir servi de décor (des corps ?) humain ?

Avec le regard le plus objectif possible, tel un ethnologue, regarde une danse qu'il ne pratique pas, la danse classique, dans un milieu fermé, l'Opéra de Paris. Dans le cadre du spectacle vivant, on ne prend pas ça pour de la danse, certes, mais le balletomane est interpellé. N'oublie-t-il pas que derrière la facilité, se cachent l'effort physique, la souffrance d'être un objet dansant ? On est gêné, puis troublé devant un tel « reportage » ; il s'en dégage le même sentiment que celui d'avoir lu la pièce de Patrick Süskind, la Contrebasse. Tout comme le musicien qui finit par haïr son instrument favori jusqu'à le détruire, aime-t-on toujours la danse, quand elle a été votre vie, et que celle-ci vous délaisse lors d'une blessure, ou vous abandonne à la retraite, quand le corps ne suit plus ?

Alors, pour une fois, pour cet article, nous mettrons comme photo d'accompagnement ces personnalités qui s'effacent, et qui sont la condition nécessaire du ballet académique.

Diffusions le 29 janvier 2007 à 20h45, le 30 janvier 2007 à 13h45

Crédit photographique : © Erik Tomasson and San Francisco Ballet

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