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El Cimarrón de Hans Werner Henze, le spectacle à vif

Les spectacles de la Péniche Opéra ont toujours des allures de défi tant l'exiguïté de ce lieu atypique réclame d'ingénieuses stratégies pour en tirer le meilleur parti.

Pour El Cimarrón (le fugitif), cet esclave cubain mort à 104 ans dont répercute en quinze tableaux ou « chants » l'intarissable cri de révolte, investit toute la longueur de la Péniche ourlée ce soir d'une rangée de canisses couleur locale pour ménager un couloir de circulation, une sorte de coulisse permettant au personnage des entrées et sorties plus théâtrales.

Trois musiciens totalement impliqués dans le jeu scénique – rappelons qu'Henze sous-titre son ouvrage « théâtre musical » – jalonnent le plateau : au centre, une flûtiste – Amélie Berson jouant de cinq flûtes différentes et occasionnellement des percussions – côté cour, la percussionniste Diana Montoya Lopez et côté jardin le guitariste , tous trois jouant « en concert » avec le personnage – c'est « un récital pour quatre musiciens – afin de donner à l'histoire son relief, ses couleurs et ses rebondissements ; au même titre que la vidéo – projetée sur trois écrans – de Mathilde Michel qui ouvre la perspective et fait flamboyer le récit.

C'est lors de son long séjour à Cuba, entre Décembre 1969 et Janvier 1970 que écrit El Cimarrón s'inspirant de la biographie de cet esclave en fuite publié par l'ethnologue ; l'ouvrage voit le jour juste après la création à la Havane, par l'orchestre de Cuba, de sa sixième symphonie témoignant d'une évolution créatrice décisive liée à l'engagement politique du compositeur aux côtés des mouvements d'extrême-gauche. C'est à cette époque qu'il déclare considérer la Révolution mondiale comme « la plus grande œuvre d'art de l'humanité ».

Tenant la scène durant plus d'une heure, le baryton , en infatigable rebelle n'ayant que « ses chaînes et sa machette pour s'en sortir », incarne cette révolte à vif, empruntant tous les modes vocaux pour dire, crier voire hurler le texte avec une agressivité de mise que le public prend de plein fouet. Si l'écriture » flexible » de la partition laisse aux quatre interprètes des plages d'improvisation – où l'action subitement patine – la stylisation particulière à laquelle soumet constamment la ligne de chant nous fait bientôt regretter la version originale en allemand, cette langue accentuée qui donne sans doute beaucoup plus de pertinence à ce traitement vocal difficilement assumé par la langue française.

Crédit photographique : © DR

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