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Luc Brewaeys, le choc des contraires ?

Etrange affiche à La Monnaie avec une création du grand compositeur belge couplée à une inattendue opérette d'Offenbach.

Compositeur hautement réputé de symphonies (pour l'instant au nombre de huit alors qu'une neuvième est en préparation), le créateur se confronte pour la seconde fois au genre lyrique après sa tragédie lyrique Antigone (1991). Ce nouvel opéra est tiré de la pièce de Pirandello : L'Uomo Dal fiore in Bocca. Dans une gare, un homme atteint par une tumeur cancéreuse incurable, sait ses jours comptés. Il engage la conversation avec un père de famille qui vient de rater son train. De ce contraste entre l'insouciance du voyageur et le drame de l'Uomo, Brewaeys a élaboré un bref opéra (quarante cinq minutes), ou plutôt une symphonie vocale avec tuba obligé. Grand connaisseur de l'orchestre, l'artiste tisse une orchestration foisonnante, luxuriante mais d'une finesse digne d'éloges. La plus originale trouvaille réside dans l'importante partie accordée au tuba qui devient une sorte de double instrumental du personnage central. Malheureusement, la musique ne fait pas tout un opéra et il faut compter avec des faiblesses du côté du livret. Si la caractérisation des personnages est réussie, le déroulement de l'action s'avère trop statique. La réalisation musicale est magnifique. Les chanteurs sont engagés et convaincus alors que dans la fosse, fait resplendir les timbres d'un orchestre de La Monnaie en très grande forme ces derniers temps, et d'où émergent les sonorités du tuba de Stephan Vanaenrode. La mise en scène assez statique de Fréderic Dussenne suit l'action plus qu'elle ne l'éclaire.

Choc total après l'entracte avec Monsieur Choufleuri restera chez lui le… d'Offenbach. Véritable petite merveille de musique et de style cette pièce, sur un livret du Duc de Morny, souleva l'enthousiasme d'un public bruxellois qui a perdu, depuis bien longtemps, l'habitude de se régaler de ce genre de musique. Racontant la soirée musicale planifiée par un bourgeois aux prises avec des difficultés d'organisation, la pièce voit le triomphe de la fille de Choufleuri et de son bien aimé Babylas. Emportés avec joie par une mise en scène simple mais drolatique à souhait, les chanteurs s'amusent comme des enfants sous une direction dynamique mais attentive d'un que l'on n'a jamais connu aussi intéressant dans une fosse d'orchestre. Il faut saluer en particulier les prestations de la belle en Ernestine. Déjà remarquée à plusieurs reprises, cette jeune chanteuse s'impose comme une figure montante du chant belge par son timbre cristallin et son engagement total. Curieusement assez peu présent sur la scène de La Monnaie, le baryton est un valet absolument désopilant, exagérant à merveille un certain accent belge.

En conclusion, une étrange soirée servie par des musiciens d'exception. En dépit de l'opposition des deux œuvres et malgré quelques réserves pour la création de Brewaeys, cette programmation est une réussite.

Crédit photographique : © Johan Jacobs

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