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Une Lucia de plus

Que Bergame célèbre Donizetti, l'enfant du pays, rien de plus normal, c'est même souhaitable. Que la représentation soit immortalisée par un DVD, c'est une autre histoire.

La production de n'offre rien de déshonorant ni de scandaleux : costumes d'époque, peu de décors si ce n'est, selon les tableaux, un arbre, un fauteuil moderne stylisé, un parchemin en toile de fond ou un escalier blanc que descend Lucia pour sa scène de folie en laissant traîner derrière elle sur les marches un très long voile rouge. Pendant une bonne partie du premier acte ainsi que pour la dernière scène, de la fausse neige tombe des cintres. Une mise en scène ni enthousiasmante ni dérangeante, rien de mémorable.

Les chœurs et l'orchestre se situent eux-aussi à un niveau moyen de correction, avec cependant une direction de vive et vigoureuse, ce qui n'est pas pour déplaire. Au passage, précisons que la scène de la folie est jouée avec harmonica de verre.

Au début, en entendant l'air de Enrico « La pietade in suo favore » repris et non coupé, on se prend à espérer, en se disant qu'à Bergame on respecte la partition de Donizetti. Las! dès la fin de l'air, les ciseaux s'abattent et nous privent de plusieurs mesures. C'est dommage, car à plusieurs reprises des passages souvent coupés à la représentation sont ici conservés : par exemple le duo Enrico-Edgardo de la Tour au loup. De même tout le final du mariage « Esci, fuggi » est donné intégralement. En revanche la fin de l'air de Lucia « Quando rapito in estasi » ou du duo Lucia-Enrico « Se tradirmi tu potrai » disparaissent à la trappe. On aurait tant aimé que le festival Donizetti fît exception à la règle des Lucia tronquées!

Les chanteurs réunis ici sont tous des Italiens plutôt jeunes. On aimerait pouvoir n'en dire que du bien et encourager tous ces artistes. S'ils ont leur place sur une scène de province (et ce dernier mot n'est pas péjoratif sous notre plume), était-il nécessaire de publier un DVD pour autant? Le baryton et la basse Enrico Giuseppe Iori tirent à peu près leur épingle du jeu. Désirée Rancatore est une Lucia musicale ; la technique est sûre, les aigus faciles, mais l'interprète un rien scolaire et le jeu parfois emprunté. Jugement éminemment subjectif concernant la phonogénie, nous avouons ne pas aimer ce timbre pincé et métallique qui rappelle un peu celui de sa compatriote . Le plus faible de la distribution est son partenaire ténor : l'intonation est souvent trop basse, l'émission des notes de passage lui pose problème et l'oblige souvent à détimbrer, les aigus lui coûtent et la voix fatigue au fil de la représentation pour arriver à un final un peu pénible sur le plan vocal.

La mise sur le marché d'un DVD se justifie quand elle pérennise une représentation remarquable par son versant théâtral ou musical, voire les deux réunis. Dans le cas contraire, pourquoi proposer une énième version d'un opéra dont les témoignages DVD depuis quelques temps ne manquent pas? Il est dommage que Dynamic qui édite courageusement certaines raretés, (par exemple de La Fenice de Venise) ne propose cette fois-ci que ce qu'il faut bien appeler une Lucia de plus.

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