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Décevante intégrale des symphonies de Charles Ives par Andrew Litton

Curieusement, cette intégrale des symphonies de n'est que la troisième à faire son entrée au catalogue après celle antique et introuvable de Harold Faberman à la tête du New Philharmonia Orchestra (Everyman) et celle fort réputée de Michael Tilson Thomas partagée entre le Chicago Symphony Orchestra et le Concertgebouw d'Amsterdam (Sony). Si les enregistrements isolés de ces pièces, surtout les Symphonies n°2 et n°3 sont assez nombreux, les intégrales ne semblent hélas pas intéresser les éditeurs.

Personnalité au destin hors du commun, Ives a construit dans l'isolement musical total de son Amérique provinciale l'une des œuvres les plus énigmatiques, radicales et mystiques du siècle dernier. Si les deux premières symphonies digèrent avec beaucoup de talent un héritage romantique tiré de Brahms et de Dvorak, la Symphonie n°3 assez austère puise son inspiration dans les musiques religieuses. La Symphonie n°4 pour chœur et orchestre est la plus radicale de ce corpus, avec la rythmique décapante de son deuxième mouvement et la construction classique aussi précise qu'élaborée du troisième.

Très attendue suite aux bons échos rencontrés par l'association entre et l'Orchestre de Dallas, cette intégrale est, à l'exception de la Symphonie n°2, une déception. Litton peine à entrer dans cette musique. Son interprétation de la Symphonie n°4 est à ce titre révélatrice : elle manque d'arêtes, de pugnacité et surtout d'élan. Il se plait à évoquer des climats comme un peintre impressionniste devant sa toile. On est loin ici de l'acuité révolutionnaire de Christoph von Dohnanyi à Cleveland (Decca) ou de Seiji Ozawa (DGG) sans oublier les pulsions fascinantes de Stokowski, le créateur de l'œuvre (Sony). La Symphonie n°1, manque quant à elle de rebond et de dérision. Pour celle-ci, on restera fidèle au surprenant et bondissant enregistrement de James Sinclair et de l'Orchestre d'Irlande (Naxos).

La Symphonie n°3 est mieux venue. Elle s'appuie sur un orchestre de très haut niveau, mais elle n'a pas l'énergie de Bernstein (Sony). Partition la plus enregistrée de son auteur, la belle Symphonie n°2 est le meilleur moment de cette intégrale. Litton campe un Ives conquérant mais poétique, et certains thèmes assez pastoraux sonnent de manière idéale. Dans l'absolu on pourra tout de même préférer les différentes versions de Leonard Bernstein. En complément, les deux albums proposent le bref General William Booth into Heaven, mais surtout le grandiose Central Park in the Dark. On relève dans cette interprétation, les mêmes défauts que pour la Symphonie n°4. Dans un contexte discographique hautement qualitatif, il vaut mieux écouter en priorité Ozawa (DGG), Bernstein (DGG) et Gielen (Hannsler).

Ces deux disques, assez esthétiques, aux livrets de présentation des plus soignés (c'est la griffe Hyperion) sont de plus handicapés par une prise de son assez embuée. En attendant une nouvelle intégrale, les collectionneurs et amoureux de cette musique ne se lasseront pas du travail de Michael Tilson Thomas chez Sony.

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