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La petite guêpe qui monte…

A l'origine, Vespetta e Pimpinone ossia la serva astuta, fut composé par Albinoni pour servir d'intermèdes à Astarto, opera seria créé à Venise en 1708. L'œuvre relève donc du genre des intermezzi comici musicali dont le succès les fit rapidement jouer de façon indépendante.

Chacun des trois intermezzi est constitué de récitatifs et d'airs et se termine par un duo entre les deux personnages. Vespetta, femme de ménage jeune et rusée, est à la recherche d'un nouveau patron. Elle rencontre Pimpinone, riche bourgeois nigaud en quête d'une servante. Vespetta n'a pas de mal à se faire embaucher par Pimpinone qu'elle flatte. Ce premier intermède se conclut par un duo où ils chantent leur contentement. Chaque intermezzo correspond à une étape de leur histoire, et celle-ci avance vite ! Le second intermezzo commence par une soirée à l'opéra où Pimpinone a invité Vespetta. Celle-ci, non contente d'être en retard, lui reproche d'être trop dépensier. Mais lorsque les dépenses de Pimpinone se révèlent être des bijoux à son attention, Vespetta déclare que l'on ne « pouvait faire meilleure dépense » ! La servante argue ensuite du scandale que cause sa présence dans la maison d'un homme célibataire, et ainsi réussit à se faire épouser (et doter) par son patron. Le duo final voit le bourgeois se réjouir de son bonheur et Vespetta se moquer de lui en aparté. Au troisième intermezzo, le couple se dispute. Si elle avait promis, alors servante, d'être une épouse qui ne sortirait ni ne recevrait, maintenant qu'elle est maîtresse sa promesse ne tient plus ! Vespetta s'est mariée pour être libre et a réussi sa manœuvre.

L'œuvre est à l'origine de ce thème des amours ancillaires repris ensuite de nombreuses fois : le Pimpinone de Telemann (1725) et surtout la célèbre Serva padrona de Pergolèse (1733) en sont directement issus et il est particulièrement intéressant de découvrir le premier livret sur ce sujet, dû à Pietro Pariati (1665-1733).

Les trois pièces qui servaient d'intermèdes à un opera seria mis bout à bout et quelques emprunts – une aria de Vespetta et une de Pimpinone sont extraits du Pimpinone de Telemann, une aria de Vespetta provient de la Serva padrona de Pergolèse et la cantate insérée entre les deuxième et troisième intermezzi est due à Antonio Maria Abbatini (1609-1677) forment le spectacle présenté par l'ensemble baroque Mensa Sonora. Ces différentes sources s'inscrivent donc dans une continuité d'inspiration et d'esthétique musicale. Et l'on attend impatiemment que de nombreux théâtres les invitent afin de pouvoir entendre toute une partie du répertoire baroque aujourd'hui oublié et sur lequel Mensa Sonora fait porter ses recherches.

Jean Maillet, qui a travaillé avec les ensembles baroques La Chapelle Royale, les Arts Florissants ou encore la Grande Ecurie et la Chambre du Roy, dirige l'ensemble qu'il a créé en 1989. On remarque à ces côtés le beau violoncelle de Sylvette Gaillard. , particulièrement à l'aise dans les airs de Vespetta, se taille la part du lion. La voix est belle et bien timbrée et la soprano est aussi une comédienne irrésistible, aux mimiques qui font mouche. La mise en scène fait d'elle le type même de la servante rusée. Le public ne boude pas son plaisir lorsqu'elle n'écoute pas du tout Pimpinone lui chanter une aria enamourée, trop occupée qu'elle est à contempler les bijoux qu'il lui offre. trouve peu à peu son autorité face à elle. Bien appariés, la soprano et le baryton sont on ne peut plus dissemblables de stature et de voix et donc complémentaires. La mise en scène de Guy Pierre Couleau, au comique issu de la Commedia dell'arte, place les personnages dans les années 1950 et orchestre entre eux un jeu de mouche du coche qu'est Vespetta face à Pimpinone. En italien, son nom signifie petite guêpe et elle l'est, vibrionnant autour de Pimpinone, si agaçante et espiègle qu'il ne peut en définitive s'empêcher de l'aimer…

Crédit photographique : © DR

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