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Histoire de l’Acoustique Musicale, la musique comme métaphore

Quand Schaeffer remet en question la prééminence des questions de hauteurs sur la musique (pour ouvrir le domaine sonore à des paramètres moins considérés), il indique une méfiance résolue envers les approches trop physiciennes du son.

Ouvrant cette Histoire de l’Acoustique Musicale, se dit-on qu’il faudrait peut-être se méfier d’une histoire de l’acoustique, si ce n’est physicienne, du moins trop algébrique (même si l’algèbre est un moyen imparable pour expliquer techniquement certaines différences entre la musique occidentale et les musiques orientale, par exemple). L’une des qualités notables de l’ouvrage de Serge Donval est d’être à la fois assez synthétique et suffisamment documentée pour démêler le fil des conceptions scientifiques du son, d’une part, et les problématiques harmoniques qui ont pu se cristalliser par elles, par ailleurs. Notamment, les modes et intervalles étaient-ils théorisés dès l’Antiquité tandis que la notion de fréquence est arrivée au XVIIe siècle.

Associant explications scientifiques (à quelles équations correspondent octaves et harmoniques) et mystères ancestraux (pourquoi la cloche sonne plus faux qu’un sabre), Serge Donval chapitre son ouvrage de manière assez explicite pour qu’un lecteur dépassé par la technicité algébrique des explications puisse faire quelques impasses, sans renoncer à creuser les points suivants. (Dans le même chapitre sur la notion de consonance, par exemple, même si on se passe des rapports superpartiels, on peut aborder sans difficulté le passionnant paragraphe sur le «paradoxe de la quarte»).

Sur 220 pages réparties en 20 chapitres, peut-on voir deux grandes parties (ou se réjouir que la part soit aussi belle pour la seconde). Alors que les onze premières sections reviennent sur les notions fondamentales (la fréquence, l’intervalle, le cycle des quintes, la gamme juste, les tempéraments mésotonique et égal), on peut trouver dans les neuf autres chapitres, une introduction aux systèmes tonaux plus méconnus et, par elle, une ouverture aux répertoires scolairement identifiés difficiles. Ainsi, des liaisons poignantes se font entre les quarts de ton du luthiste Gesualdo et les expériences anti-pianistiques de Partch ou, peut-être plus intuitive, entre Scriabine et Bartok. Dès lors, s’il peut d’abord se présenter comme un complément acoustique à tout solfège, en sériant les enjeux pour les mieux articuler, le livre de Serge Donval peut aussi bien servir de manuel d’introductions aux musiques du XXe siècle (même si, à ce titre, il y aura toujours à redire). Bien sûr, pendant qu’on fait des introductions, explications, élucidations, on n’écoute pas la musique. Mais il n’en reste pas moins un ouvrage utile aux étudiants, professeurs et mélomanes, dans la mesure où, justement, on n’écoute pas la musique qu’avec les oreilles.

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