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Visite d’une exposition sonore

L'accueil réservé par les auditeurs de tous âges à l'auditorium du Duo Dijon lors de la création des deux mouvements pour orchestre de montre que la musique contemporaine peut aussi être en phase avec le public. Pensionnaire de la Villa Médicis en 1985, il a reçu depuis 1998 de nombreux prix pour ses œuvres en particulier le prix de la SACEM la même année pour sa Messe, un jour ordinaire et une Victoire de la Musique classique en 2000 pour son Concerto pour violon. Le premier mouvement (Molto vivo) se présente comme une coulée de lave à la fois grouillante et statique, composée de motifs s'emboîtant les uns dans les autres et se superposant ou se complétant dans une gigantesque palette de timbres. Un long crescendo conduit à une volée agressive de cloches débouchant sur un apaisement, qui n'est pas dû à un affaiblissement du tempo, mais plutôt à une stabilisation de l'harmonie. fait parfois sourdre de cette masse vivante un fragment mélodique qui apporte un instant de tendresse : il réussit pleinement à nous émouvoir. La maîtrise de son orchestration permet à chaque pupitre de jouer son rôle et surtout nous fait savourer une belle sonorité d'ensemble. Le mouvement lent déroule une magnifique mélodie jouée par l'alto solo sur un fond de sonorités flûtées, interprétées principalement par les harmoniques des cordes. Son lyrisme plaintif n'est jamais mièvre et les mêmes qualités de force et de profondeur sont présentes dans ce mouvement raffiné : démontre que la mélodie n'est pas l'apanage d'un romantisme sirupeux.

, pianiste de renommée internationale invité au festival de la Roque d'Anthéron et partenaire d'orchestres prestigieux, a enregistré avec les frères Capuçon la musique de chambre de Ravel sans pour autant dédaigner le répertoire de George Gershwin. Il se montre très à l'aise dans l'interprétation du Concerto en sol de Ravel : virtuose sans agressivité dans les premier et troisième mouvements, il sait trouver une magnifique sonorité dans le mouvement lent, où il conduit la ligne mélodique avec sensibilité et distinction au dessus de la basse descendante dans le thème principal. Très applaudi, il joue en bis Minstrels de et clôt la première partie du programme d'une manière ironique et judicieuse par cette pièce qui, comme le concerto, est émaillée d'accents jazzy.

L'orchestration de Ravel est aussi somptueuse dans les Tableaux d'une Exposition. En complétant le programme par cette œuvre très connue, n'a pas seulement satisfait les goûts du grand public, mais il a aussi agencé sa soirée avec un certain sens pédagogique. La musique contemporaine présente des difficultés de mise en place rythmiques et sonores, le concerto demande à l'orchestre de bien suivre le soliste pour en être un partenaire valable et dans les Tableaux, chaque pupitre doit à la fois s'insérer dans un ensemble homogène et produire des soli d'une grande difficulté. Cet objectif est atteint grâce au talent des jeunes interprètes et aussi grâce au travail soigné du chef, qui dirige depuis 2005 l'l', en résidence au Duo de Dijon depuis 2001.

Le spectacle d'un grand ensemble de jeunes reste fort réjouissant pour les spectateurs. Aller assister à un concert symphonique est une démarche particulière ; tout le décorum, le ballet des garçons d'orchestre, le « la »du hautbois et l'accord initié par le premier violon, l'arrivée du chef dans le silence et les attitudes même des participants : cela donne l'impression d'entrer dans les arcanes de la musique classique. Mais il est ici rafraîchissant de voir certains de ces jeunes adultes esquisser une mimique fugitive, jouer quelques mesures à contre archet, taper des pieds au moment des applaudissements. Cette spontanéité désacralise d'une certaine manière le concert symphonique, mais le rend aussi plus émouvant.

Crédit photographique : © Serge Ouzounoff

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