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Compagnie Heddy Maalem, climax du Festival Ballets Russes à Liège

Le Festival de l'OPL consacré aux ballets russes s'est clôturé par le très attendu Sacre du printemps, dans lequel l'orchestre liégeois a été rejoint par la compagnie de danse de .

Ce festival, au cours duquel le public aura pu savourer un grand nombre de partitions trop peu souvent jouées (on pense à la suite d'orchestre Le Bouffon de Prokofiev, ou encore à la Tragédie de Salomé de Schmitt), a bien sûr inclus dans sa programmation la pièce phare de Stravinsky. Mais plutôt que de présenter une « simple » version de concert, les équipes artistiques de l'OPL ont permis au public de découvrir cette œuvre lors d'une séance commentée par Claude Ledoux, qui aura su révéler les nombreuses influences dont s'est nourri Stravinsky ainsi que les techniques orchestrales qui font de cette pièce un manifeste de modernité. Le lendemain, c'est Claire-Marie Le Gay, invitée régulière de la salle philharmonique qui proposait en compagnie d'Eric Le Sage de relire la même partition au piano à quatre mains. On ne pouvait donc imaginer meilleure préparation pour apprécier à son juste niveau le spectacle proposé au manège de la Caserne Fonck.

Réunir danseurs et orchestre reste toujours un exercice périlleux. Les salles aptes à accueillir ce type de spectacle dans des conditions optimales se comptent en effet sur les doigts d'une main. L'on pouvait redouter que l'orchestre ne vienne s'évanouir dans le grand volume dégagé par ce magnifique morceau d'architecture militaire, mais pis encore, l'on redoutait une intervention musicalement inappropriée de la part des pompiers, voisins du manège. La représentation à laquelle nous avons assisté n'a pas eu à souffrir de ces désagréments. Certes, l'acoustique du manège ne peut se comparer au bijou que constitue la salle du Boulevard Piercot, mais on parvient à apprécier autant le travail des danseurs que la musique de Stravinsky. Le chant du Rossignol est certainement le seul point faible de ce spectacle. La partition savoureuse par son orchestration pleine de malice apparait en effet assez terne. Il aurait sans doute été plus judicieux de programmer le poème symphonique lors d'un concert joué en la Salle Philharmonique.

La saison dernière, l'Orchestre de La Monnaie avait monté le Sacre avec la compagnie Pina Bausch. La chorégraphie créée dans les années 70 prouvait encore son efficacité par une lecture littérale de l'argument de la partition. Heddy Maleem va au-delà de cet argument et propose une vision de l'Afrique, de sa pauvreté, de son climat extrême et des guerres qui la déchirent, renforcée par l'emploi de la vidéo. Ces images saccadées, d'une nature et d'une civilisation où le superflu n'existe pas, préparent le spectateur à la violence de la partition. Les danseurs sont magnifiquement mis en lumière. Les couleurs qu'ils portent renseignent-elles sur le rôle que chacun joue dans le sacrifice rituel ? Le spectateur peut s'interroger mais les indices sont très vagues, et finalement c'est à chacun de construire son propre scénario. La quinzaine de danseurs originaires du Nigeria, du Sénégal, du Mali, du Bénin, et de la Guadeloupe offrent ainsi une réflexion sur le regard que nous portons sur le sacrifice d'un individu ou d'une civilisation. Comme les vidéos de Benoit Declerck illustrant le magma sonore de la ville de Lagos, les danseurs se déhanchent, martèlent avec rage cette terre qui voit leurs existences vouées au même et unique destin. Violence et mort demeurent les conclusions du Sacre, œuvre qui aura rassemblé un très large public au Manège. L'OPL aura d'ailleurs été amené à programmer des représentations supplémentaires pour satisfaire la large demande d'un public visiblement non habitué des concerts symphoniques, mais qui espérons-le, saura trouver le chemin de la Salle Philharmonique, séduit par la performance de l'orchestre. et ses musiciens achèvent ainsi un festival d'un très haut niveau musical et artistique. Espérons que le prochain événement de l'OPL, qui aura lieu du 9 au 13 mai 2007 nous permettra de répondre à la question « Aimez-vous Brahms » ? Louis Langrée, Vadim Repin, Nelson Freire ou encore Nicholas Angelich devraient nous aider à y répondre de manière positive…

Crédit photographique : D. R.

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