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Kullervo à Atlanta

Œuvre emblématique à plus d'un titre, on ne sait pas toujours sous quel aspect écouter Kullervo. Aussi, quand l'Orchestre Symphonique d'Atlanta dirigé par s'attaque à la symphonie chorale de Sibelius, ce n'est pas pour donner à l'auditeur l'assise dramatique que ses volumes semblent annoncer. Souvent plus confuse que passionnante, néanmoins sérieuse et proportionnée, cette version n'offre pas sur l'œuvre un point de vue assez marquant pour donner à son caractère un peu poussif le mordant d'un parti pris toujours possible.

Vaste symphonie en cinq mouvements, hors numérotation (elle ne compte pas dans les sept symphonies du catalogue), l'œuvre inspirée des runes (31 à 36) des épopées finlandaises du Kalevala, Kullervo est historiquement marqué par sa création, le 28 avril 1892, devant un public très partisan de l'indépendance finlandaise. Parfois considérée comme l'œuvre inaugurale de la musique finnoise (suite aux balbutiements de Tulindberg et Crusell), Kullervo est tout de même une partition de jeunesse que a longtemps rejetée, après le succès de sa création, n'autorisant jamais l'exécution que du troisième mouvement, pour le centenaire des Kalevala (en 1935). Ce n'est qu'en 1958, un an après la mort de Sibelius, que l'intégralité fût donnée une deuxième fois. C'est dire si l'auditeur peut ne pas savoir comment s'orienter dans les grands espaces offerts par l'Orchestre Symphonique d'Atlanta. Malgré la prise de son quasiment trop large, nous pouvons nous laisser porter par le travail prosodique pour lequel Sibélius s'est passionné, la couleur rythmique qui se tient, fascinante, d'un bout à l'autre de Kullervo (suivant la déclamation caractéristique des chanteurs runiques du Kalevala que la rencontre entre le compositeur et la chanteuse Larin Paraske a permis d'élaborer). A ce titre, il est même étonnant que le fameux troisième mouvement (Kullervo et sa sœur) soit narratif, élancé, alors que la prise de son donne aux solistes une présence limpide et à l'orchestre des articulations trop sourdes.

Parce que le poème symphonique est toujours susceptible de passer pour une «grande» symphonie, les tendances emphatiques de l'orchestre ne sont pas toujours en phase avec la teneur dramatique qu'elles font attendre. Paradoxalement austère autant que suintant, l'enregistrement dirigé par Spano est techniquement irréprochable, mais reste à distance de l'auditeur. Comme si la technologie surround n'était pas prise en charge aussi largement que l'œuvre de Sibelius semble l'exiger, les dessins mélodiques ont les contours juste assez flous pour qu'une telle élongation nous paraisse un rien surfaite.

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