Difficile, voire redoutable, pour un pianiste de s'attaquer à l'enregistrement d'Iberia, chef-d'œuvre d'Isaac Albéniz, tant la version légendaire d'Alicia de Larrocha (Decca, 2004, avec Navarra, complétée par Déodat de Séverac, et Goyescas de Granados) reste dans toutes les mémoires.
Pourtant ici, à l'écoute des douze tableaux formant l'illustre fresque sonore du maître catalan, l'auditeur est saisi par la rigueur idiomatique et l'exigence stylistique manifestées par le jeune virtuose Olivier Chauzu, disciple de Gabriel Tacchino et de Gyorgy Sebok, lauréat du CNSM de Paris et des concours internationaux Maria-Canals (Barcelone, 1989) et Yvonne-Lefébure (Saint-Germain-en-Laye, 1990 ; il y obtint le Prix Debussy).
De ce brillant musicien, dont l'interprétation de la Sonate de Liszt fit récemment sensation, la plus belle qualité demeure probablement son aisance souveraine à marier les contraires : clarté du discours et subtilité des nuances, variété des couleurs et rigueur rythmique. Doublant la prouesse digitale d'une impeccable et sensible restitution des inflexions populaires animant cette partition étonnamment savante, Olivier Chauzu, prouve en l'occasion que la perfection technique reste avant tout un merveilleux gage de liberté. Héritier d'une riche tradition dont il perpétue la chaîne au CNR de Bayonne, hostile à toute complaisance décorative ou démonstrative, il incline de la sorte vers une sévérité qui, ne manquant jamais de force, confère soudain aux pages du maître espagnol une grandeur insoupçonnée.