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Hymne à la narcolepsie

Ça commence très mal : capté dans le salon de votre grand-mère (pas celle qui a un château dans la Loire, l'autre, celle qui vit dans un deux-pièces HLM à Noisy), un orchestre d'école de musique s'essaie à déchiffrer, tant bien que mal – et plutôt mal -, l'ouverture d'Il matrimonio segreto.

Puis le premier air débute et l'on entend, dans le lointain, entre deux miaulements de violon, des chanteurs – on dirait qu'ils sont restés coincés dans la cuisine. Heureusement, le preneur de son, qui était sans doute allé boire un coup au bistrot du coin, s'est tout à coup souvenu qu'il avait quelque chose sur le feu et, à la plage 5 l'équilibre se rétablit, l'orchestre recule de dix bons mètres. Tant d'amateurisme laisse pantois et découragerait presque de poursuivre. Mais, tout imprégné de l'importance de sa mission et n'écoutant que son courage (il vaut mieux écouter son courage que des disques comme ça), le valeureux critique, les doigts crispés sur l'accoudoir de son fauteuil pour retenir les mouvements spasmodiques de son index vers la touche eject de la télécommande, se force à entendre la suite – heureusement, au bout d'une dizaine de minutes, il s'endort, terrassé.

Bien sûr, l'affiche, plutôt alléchante, retient d'abord l'attention. Le timbre de Max René Cossoti n'est pas désagréable, mais il s'étrangle au moindre aigu et savonne ses vocalises ce qui, dans un tel répertoire, revient à dire qu'il chante environ une note sur deux. Daniela Mazzucato n'a pas la voix la plus ravissante qui soit (que d'acidités, dont la prise de son est en partie responsable) mais elle possède une forme de sensibilité… qui serait sans doute plus à sa place dans Puccini. Les autres n'ont guère d'intérêt, et le grand , dont on attendait, à tout le moins, une présence scénique à la hauteur de ses talents, débite platement son texte, d'une voix parfaitement assurée mais l'air de s'ennuyer à cent sous de l'heure. Il fait ce qu'il peut pourtant, en pressant à tout va, pour secouer la battue anesthésiée d'Angelo Cavallaro, trop occupé à maintenir un semblant de cohésion dans la troupe d'égarés qui lui sert d'orchestre pour se rappeler qu'il dirige un opéra. Les tempos ne dépassent pas l'Allegro moderato et l'on finit par avoir l'impression d'entendre plus de deux heures durant une sorte d'Andante gentillet, prudent et malgré tout fort faux. Bref, tout le monde somnole, tire à hue et à dia dans les finales qui virent à la pagaïe générale.

Inutile d'insister, une publication inutile qui dessert la mémoire d'artistes par ailleurs intéressants.

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