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Du travail de pro pour Piccinni

n'est plus guère connu aujourd'hui que par la querelle des piccinnistes contre les gluckistes qui enflamma les esprits parisiens aux alentours de 1780. Voilà donc l'occasion, plutôt rare, de juger sur pièce de ses talents de compositeur avec cet opéra de demi-caractère considéré comme le premier dramma giocoso, créé en 1760 à Rome puis à Paris en 1771, et qui reste son œuvre la plus célèbre.

À la première audition, on croit d'abord écouter quelque retransmission radio des années 50 : des chanteurs très décents mais guère stylés, un orchestre plus dynamique qu'élégant, et jusqu'à la prise de son claire mais plate, focalisée sur les chanteurs et… monophonique ! Puis on lit la date d'enregistrement et l'on se dit que, soit le typographe s'est trompé, soit quelqu'un a appuyé sur le mauvais bouton au moment du mastering. Il serait bon que l'éditeur écoute ses bandes avant de les commercialiser…

Dans des conditions correctes, mis à part cette monophonie surprenante pour un enregistrement estampillé « DDD », cet album à prix réduit garde donc le souvenir d'une soirée très professionnelle mais guère exaltante. Les femmes ont de voix mûres et pour certaines à peine plaisantes, la Cecchina évoque plus quelque solide matrone qu'une pure jeune fille de vingt ans, et le ténor serait tout à fait convenable s'il lui arrivait quelquefois de chanter en dessous du forte. Mais, c'est à signaler, chacun se tire très décemment de ses nombreuses vocalises et, à défaut d'agrément auditif, propose en tout cas une lecture tout à fait honnête de la partition. n'est sans doute pas tout à fait dans son élément, mais dirige avec beaucoup d'efficacité. À défaut de finesse, sa battue sait être toujours vivante et dynamique – et l'orchestre est convenable.

Mais il faut bien avouer que, dans ces conditions, l'œuvre n'a rien de passionnant. Des récitatifs assez courts relient entre eux des airs à l'écriture soignée mais totalement prévisible, à l'harmonie rebattue, à la structure immuable. Aucune aspérité, à peine dresse-t-on l'oreille de loin en loin à tel air plus lyrique où le style traditionnel des chanteurs peut se donner libre cours. L'ensemble paraît somme toute très en deçà de ce qu'a pu offrir la génération suivante des Paisiello et Cimarosa, sans parler des opéras français de Sacchini, lire la critique d'Œdipe à Colone. Sans doute faudrait-il qu'un René Jacobs dynamite tout cela, mais depuis que les baroqueux trustent Mozart, Bruckner et Verdi, il faut bien compter sur les verdiens pour découvrir de nouvelles œuvres…

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