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Hugo Alfvén, ou le testament musical d’un compositeur suédois

Voici donc la publication toute récente chez Naxos qui met un point final à son cycle des cinq symphonies de dirigé par , réparti en cinq CDs, tout comme celui de Neeme Järvi chez BIS. Alors qu'il fut dans les symphonies antérieures à la tête d'orchestres divers tels que le Royal Scottish National, le Symphonique National d'Irlande et le Symphonique d'Islande, pour ce seul enregistrement a choisi un orchestre suédois, l'. Bien lui en a pris, car si cet orchestre est loin d'avoir chez nous la notoriété de, notamment le Royal Scottish National Orchestra, que nous connaissons surtout grâce aux innombrables enregistrements Chandos, il semble évidemment bien plus à l'aise dans ce répertoire qu'il interprète, comme diraient les anglais, « in the manner born ». En tout cas il nous offre une version de cette Symphonie n°5 qui soit la seule en mesure de concurrencer celle de Neeme Järvi chez BIS, et montre une fois de plus toute la richesse des associations symphoniques de notre « vieille » Europe.

La Symphonie n°5 en la mineur de peut être considérée comme son testament musical. Élaborée partiellement à partir du matériel de son imposant ballet Le Roi de la Montagne (Bergakungen, 1923), elle semble lui avoir donné beaucoup de fil à retordre, car commencée en 1942, il la révisait encore en 1958, alors qu'elle fut créée dans son intégralité en 1953 par le légendaire chef hongrois Carl von Garaguly. Comme nous l'avons déjà signalé auparavant, sa forme en est tant soit peu anachronique, surtout dans la présence de reprises dans les mouvements externes de forme-sonate, qui la ferait plutôt situer au tournant du XIXe – XXe siècle.

L'Allegro non troppo initial, très fiévreux, ne sort que rarement de la tourmente pour d'anxieux apaisements qui rappellent à la fois Franck et Rachmaninov, et ce n'est pas le brutal accord final de septième diminuée non résolu qui arrange les choses. Le splendide Andante qui enchaîne, de forme A-B-A, semble apporter l'apaisement désiré, mais c'est compter sans le Scherzo Allegro suivant, peut-être la page la plus originale de l'œuvre, sorte de Danse Macabre alla Saint-Saëns modernisée et loufoque avec xylophone – évidemment ! – et glissandi lugubres de cuivres grinçants, qui confirme le côté obscur de la personnalité du compositeur. Le Finale Allegro con brio, que d'aucuns trouveront traditionnellement la partie la plus faible de la partition, ce que pourrait confirmer le fait que Alfvén n'en fut jamais vraiment satisfait malgré ses nombreuses révisions, déploie un optimisme, un héroïsme victorieux exorcisant tout ce qui précède. Malgré ce que l'on peut considérer, à tort ou à raison, comme certaines déficiences formelles, l'œuvre, dans sa globalité, est riche d'idées, expansive autant que généreuse, et mérite sa place au concert dans le répertoire des symphonies post-romantiques de valeur. Et après tout, c'est là l'essentiel.

Pour conclure ce CD, en contraste bienvenu au triomphalisme final de la symphonie, nous apporte une touche de sérénité bienfaisante avec un Intermezzo extrait de la Cantate « Révélation » op. 31 : l'Andante Religioso rédigé au printemps 1913 pour l'inauguration d'une nouvelle église au sud de Stockholm est un petit bijou méditatif et nostalgique tel que Alfvén pouvait en ciseler, présenté ici dans sa version pour harpe, célesta et cordes.

Les interprétations de Niklas Willén et de son orchestre suédois seront difficilement surpassables, et publiées par Naxos, elles constituent une véritable aubaine pour le mélomane aventureux, désireux d'élargir ses horizons musicaux sans trop se serrer la ceinture.

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