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Charpentier par Gérard Lesne, quand Orphée rencontre le Cid et un fantôme

est un musicien connu et enregistré depuis longtemps ; en fait depuis le temps où la télé était en noir et blanc et n'avait qu'une, voire deux chaînes à proposer (ça précise l'âge du rédacteur mais on ne rigole pas, au fond !). Quand une émission avait une portée qui dépassait le strict cadre hexagonal, on avait droit au Prélude du Te Deum dans une version qui était tout sauf une reconstitution sur instruments d'époque. Beaucoup plus tard sont arrivés les « baroqueux » et parmi eux William Christie qui a enregistré de façon convaincante de très nombreuses œuvres de notre musicien (Le Mariage forcé, Actéon, les Antiennes, la Pastorale, Médée, David et Jonathas…). était déjà de l'aventure puisqu'il a tenu les parties de haute-contre dans bon nombre d'enregistrements des Arts Florissants. Depuis une vingtaine d'année, il dirige avec bonheur son propre ensemble et, heureusement, continue toujours à chanter.

Ce CD peut se diviser en quatre parties. On trouve d'abord des Airs sérieux et à boire qui – tout en étant très bien interprétés – ne retiendront beaucoup pas l'attention de l'auditeur. Viennent ensuite Les Stances du Cid qui suscitent forcément notre intérêt, vue la notoriété du texte de Corneille (mais non, pas le chanteur, l'écrivain). Trois des stances sont ainsi mises en musique et chacune bénéficie d'un traitement musical particulier, très proche de l'opéra. Vient ensuite une œuvre en latin, l'Épitaphe de Charpentier dans lequel le compositeur se met en scène sous la forme d'un fantôme et revient dire tout le mal qu'il peut d'un de ses confrères moins talentueux mais plus chanceux que lui. Cette œuvre est très curieuse car – outre le sujet, unique en son genre – c'est un mélange de cantate, d'opéra et l'atmosphère qui s'en dégage fait parfois penser à de la musique sacrée. Pour finir, il faut saluer l'interprétation remarquable de Orphée descendant aux enfers, cantate bénéficiant d'un instrumentarium très précis : deux violons, une flûte à bec, une flûte traversière et une basse de viole pour le continuo. Ces sonorités particulières font mouche dans le splendide Prélude qui ouvre l'œuvre et qui est du meilleur Charpentier. Quant aux parties chantées, elles sont du même niveau et d'écriture et d'interprétation : cet Orphée n'a absolument rien à envier aux Italiens.

Pour conclure, on peut dire que ce disque est une réussite tout aussi bien pour le choix des œuvres que par leur interprétation. Le petit zèbre a encore eu du flair.

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