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Philippe Jaroussky, de charme plus que de choc

Auditorium du Louvre archi-plein, chaises rajoutées en fond de salle, candidats à l'achat de places bredouilles et déçus, bref, beau succès pour ce récital du nouveau chouchou des scènes lyriques, .

Le voici, comme à son habitude, charmant, charmeur, décontracté, tout de noir vêtu. Il est vrai que le contreténor dégage une séduction et une sympathie immédiates. Au programme, deux cantates de Haendel, deux d'Alessandro Scarlatti, ainsi qu'une sonate pour flûte et basse continue du premier, et une sonate pour violoncelle et basse continue du second. Programme habile, quoiqu'un peu bousculé par la rupture de corde inopinée du violoncelle, consacré à deux compositeurs contemporains l'un de l'autre, ménageant une habile progression d'une œuvre pas vraiment passionnante, qui tirerait presque vers l'exercice d'école, Lungi da me pensier tiranno de Haendel, mais qui a l'énorme avantage de laisser la voix se chauffer tranquillement, jusqu'à la dernière cantate du même auteur, Mi palpita il cor, véritable feu d'artifice de technique et de virtuosité.

Oserons-nous le dire ? Oserons-nous commettre l'ultime sacrilège ? Oserons-nous proférer que le timbre de , pour tout frais qu'il soit, ne nous paraît pas le plus enchanteur ? Oserons-nous dire que nous lui préférons celui d'Andreas Scholl, de Lawrence Zazzo, de David Daniels, de Bejun Mehta ? Oserons-nous affronter la foule en colère des fans transis ?

Oui, nous oserons, car l'art de se situe ailleurs. Déjà dans cette séduction immédiate dont nous faisions part au début de cet article. Empoignage quasi-charnel, qui happe l'auditeur et ne le lâche plus. Par ce regard, minéral, couleur terre, qui de transforme petit à petit en émeraude étincelante au fur et à mesure que l'interprète fait l'œuvre sienne, l'intègre, la restitue, que le souffle, un peu court au début, s'allonge jusqu'à délivrer des plages infinies de chant élégiaques, ou des pages de folle virtuosité. Enfin, et surtout, par cet art de conteur, capable de transformer le moindre livret, à base de tourments, d'amour et de jalousie, en une véritable saynète tenant l'auditoire en haleine.

Formidablement secondé par l'Ensemble Artaserse dont Philippe Jaroussky est le directeur artistique, dont la géométrie variable comprenait ce soir-là un traverso, un théorbe, un violoncelle, un clavecin et un orgue, notre contreténor de charme a terminé la soirée par deux bis : « Verdi Prati » extrait de Alcina de Haendel, et une aria virtuose reprise de la deuxième cantate du programme, Ardo è ver per te d'amore, d'Alessandro Scarlatti.

Crédit photographique Philippe Jaroussky : © Clarion/Seven Muses

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