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Pierre Bartholomée, la maîtrise du savoir faire

Figure centrale de la vie musicale belge francophone, le compositeur se voit offrir un double album centré sur une sélection de ses pièces récentes pour différents ensembles. Depuis son départ de la tête de l'orchestre philharmonique de Liège en 1999, le musicien a pu se consacrer à nouveau et avec ardeur à la composition. Il anime un atelier inter-facultaire d'écriture musicale à l'Université catholique de Louvain, dans le cadre d'une résidence. Ce qui lui a permis de mettre au point trois des pièces de ce programme, tout en se consacrant à l'art lyrique pour le théâtre de La Monnaie avec la création en 2003, de l'imposant Œdipe sur la Route et à la toute prochaine première mondiale de La Lumière Antigone en avril 2008. Cette sélection d'œuvre nous permet de partir sur les traces d'un compositeur intègre et sincère qui cisèle chacune de ses pièces comme un bijou de grand luxe, le tout sans céder à la facilité ou aux effets de mode.

Composé en 2004, le Quatuor à cordes est le premier écrit par Bartholomée. La structure classique en mouvements alternés « vif-lent-vif-lent-vif » rencontre une belle richesse d'écriture. Cette musique sonne avec un grand raffinement, qui la place dans l'héritage des grandes pièces de Ravel et Debussy pour la finesse de trait mais aussi à la suite des partitions de l'école de Vienne pour l'impact sensoriel.

Commande de l'Université de Louvain, les 13 Bagatelles pour piano s'imposent comme un cycle important du piano contemporain. Fuyant le terme d'études et le chiffre douze qui va souvent de pair, Bartholomée a composé un ensemble qui favorise les différents climats et caractères. Redoutablement difficile, ce corpus sonne avec une belle sensualité des timbres.

Librettiste attitré de Bartholomée, l'écrivain belge Henri Bauchau est l'auteur du texte du Rêve de Diotime. Ce travail de 1999 peut être considéré comme une première étape sur le chemin de l'opéra Œdipe sur la route. D'une vingtaine de minutes, cette pièce pour ensemble et soprano s'avère souple et rêveuse et la finesse de l'orchestration répond à un traitement idéal de la voix.

On sera moins convaincu par les Fragments des Belles heures sur des textes de Lilliane Wouter. Une soprano est accompagnée par un petit ensemble instrumental assez original : flûte alto, cor anglais, clarinette basse, alto et harpe. L'instrumentation réserve d'assez beaux moments, mais le mariage avec la voix n'est pas des plus heureux.

Cet ensemble est servi par la haute musicalité et la perfection technique de nombre d'instrumentistes belges : le , les ensembles Musique Nouvelle et « Les belles heures », ainsi que le pianiste Philipe Terseler. Les deux sopranos, Dominique Mols et Valentina Valente s'en sortent bien, en dépit d'un timbre assez impersonnel pour la première.

Il faut ajouter que la notice de présentation, œuvre de Frans C. Lemaire, est précise et très accessible et que le digipack qui englobe les deux disques est des plus esthétiques. Mais l'initiative la plus intéressante réside dans l'adjonction, sur le CD n°2, des partitions du Quatuor, des Bagatelles et des Belles heures au format pdf. Alors que la musique contemporaine souffre d'une difficulté de diffusion et souvent de prix prohibitifs en matière de partitions, il faut saluer chaleureusement cette idée qui met ces musiques à la disposition du plus grand nombre.

Ce très beau coffret fait honneur à la scène belge qui prouve, encore une fois, qu'elle compte des créateurs de grand talent, au caractère farouchement indépendant.

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