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Trop moderne la grande sœur de Mozart?

Le divin Mozart avait une sœur aînée, prénommée Nannerl, enfant prodige comme lui, et qui se produisit en concert avec son petit frère lors de leur tournée en Europe. Ensuite, l’histoire l’oublia. Ç’en est à peu près tout de nos connaissances sur Maria Anna Walburga Ignatia Mozart.

Sur cette trame ténue, Rita Charbonnier, critique musicale et théâtrale, scénariste pour la RAI, a écrit son premier roman. On sent avec quelle passion et pendant combien de temps cette jeune femme a pensé, rêvé, imaginé, au sujet de cette ombre, tout juste présente dans la correspondance de Wolfgang avec son père, et jamais dans les manuels d’histoire de la musique.

Et cela pour en délivrer un portrait complexe, fouillé, mais probablement un peu trop contemporain. L’auteure part de l’idée que bien qu’aussi douée que son frère, leur père, le terrible Léopold, lui ait interdit d’apprendre le violon, de composer, et l’ait cantonnée dans le rôle de professeure de piano-forte de province, à Salzbourg, afin de subvenir aux besoins de la famille, pendant que père et fils baguenaudent sur les routes italiennes. De rage, la jeune fille détruit ses partitions, referme pour toujours le capot de son clavier, et se claustre dans une vie de vieille fille aigrie. Réaction un rien trop moderne, à ce qu’il nous semble, car conditionnée dès la naissance par son temps, par son milieu, par sa culture, il est fort probable que même très douée, la petite Nannerl n’ait jamais songé à se rebeller contre un destin tout tracé, celui d’une jeune fille bien élevée issue d’un milieu de musicien. Et puis, deux compositeurs de génie dans la même fratrie ?

En deuxième partie, le portrait s’affine, se complexifie, prend ses parts d’ombre, et devient par-là plus attachant. Nannerl se prend d’affection pour l’une de ses jeunes élèves, qui détruit par légèreté le projet de mariage de son mentor, complice étourdie d’un Wolfgang égoïste et libertin, d’où s’ensuivra une brouille familiale qui ne prendra fin qu’à la disparition prématurée de ce dernier. L’héroïne se rend également compte que sa rage, sa volonté de ne plus jouer, de s’auto-punir, ont des racines plus complexes que le simple ressentiment familial. Elle terminera sa vie, apaisée, se consacrant à authentifier, répertorier et publier les œuvres de son frère. Apaisée, et heureusement mariée, car que serait un roman sans une histoire d’amour ? C’est un message qu’on aimerait faire passer à Rita Charbonnier, qui s’est attachée, tout au long de ces 395 pages, à dessiner le portrait d’une femme libre. Or, une telle femme a-t-elle tant besoin d’un homme pour s’accomplir ? Le bonheur nécessite-t-il la présence d’un gentil petit mari à ses côtés ? Dommage…

D’un point de vue purement historique, on n’aura pas la prétention, loin de là, de connaître mieux la vie de Mozart et de sa famille que l’auteure, musicienne de formation. Tous les épisodes officiels y sont : la tournée européenne, le voyage en Italie, la mort de la mère en France, l’installation à Vienne… mais Wolfgang, aussi bien que Salieri, nous paraissent un peu trop proches du film Amadeus, en moins excessifs, la mère de Mozart vraiment trop vulgaire, et la pauvre Constance dans la lignée d’une mauvaise tradition. Décrite comme une fille facile, vulgaire, sale, intéressée, comme dans les pires lieux communs, elle vend les manuscrits de son époux à Nannerl, transformée en gardienne du temple, l’auteure passant sous silence le fait qu’elle fût, elle-aussi, une grande défenderesse posthume de l’œuvre de Mozart.

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