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Deux opéras de Manuel Rosenthal, Ô Bonheur des dames

Excellente idée, sortant des sentiers battus, que de proposer deux opéras de !

Enfin, opéras, opérettes, opéras-comiques… Dans les années 30, époque de leur création, le vocable n'est plus de mise. Les sujets de ces deux charmantes œuvrettes sont légers, légers, comme de l'opérette, la musique est entremêlée de dialogues parlés comme de l'opéra-comique, la composition est savante et témoigne d'un intérêt indubitable pour le tout nouveau genre du jazz, tout comme la réduction pour quatre instrumentistes de laisse entrevoir une science raffinée de l'orchestration de celui qui fut élève de Maurice Ravel, professeur de direction d'orchestre au Conservatoire de Paris, chef permanent et directeur musical de l'Orchestre National, chef permanent de l'Orchestre Symphonique de Seattle, et on en passe.

Intérêt différent des deux pièces proposées, cependant. La Poule Noire, très datée, fait la part belle aux veuves inconsolables mais vite consolées et aux amants dans le placard. Les dialogues prennent beaucoup plus d'importance que les parties chantées, même si certains chœurs, certaines dissonances, bourrés d'humour, alertent l'auditeur averti que tout n'est ici que second, voire troisième degré. Charmant, agréable, sans plus.

Bien plus passionnant est Rayon des soieries. Qui sait encore que lors de la construction des Galeries Lafayette boulevard Haussmann, un petit théâtre d'opéra était prévu au septième étage, qui n'a jamais été terminé, à cause du crash boursier de 1929 ? Qui sait que les propriétaires de l'époque avaient commandé une œuvre à , puisque la grande purge nazie a détruit toutes les archives ? Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé, insupportable pendant la première partie : retardataires s'installant bruyamment, chuchoteurs sans complexe, ricaneurs compulsifs, propriétaires de téléphones portables (quatre fois la même sonnerie en moins d'une heure !) se calmant subitement après l'entracte.

Le livret met en scène les petites gens du grand magasin : vendeur, chef de rayon, caissier, gantière…plus une princesse exotique complètement farfelue ! A l'époque le « rayon des soieries » était le plus couru du magasin, puisque le prêt-à-porter n'étant pas encore inventé, les élégantes allaient y acquérir des coupons de tissu, des dentelles et des rubans, pour faire confectionner des robes sur mesure. L'histoire a visiblement bien plus inspiré la metteure en scène que l'œuvre précédente, assez statique, située dans un intérieur bourgeois, pour laquelle elle avait contourné l'obstacle par d'amusantes chorégraphies de groupe. Cette fois-ci, les décors, astucieux, dévoilent au fur et à mesure miroirs, mannequins et coupons de tissus ; les costumes sont colorés, les personnages, survoltés, courent en tous sens… C'est véritablement amusant.

Les chanteurs, que l'on connaît bien, puisqu'il s'agit d'une production de la Péniche Opéra, montrent toujours les mêmes qualités d'homogénéité, d'investissement et de diction (il n'y a pas de sous titres). Quant aux quatre instrumentistes, on leur tire notre chapeau d'avoir si simplement servi la science instrumentale de (« Je ne savais pas qu'on pût orchestrer mieux que Ravel » Ernest Ansermet).

En ce mercredi de juin triste et pluvieux, il restait encore de nombreuses places inoccupées au théâtre Silvia Monfort. Ce mauvais temps et la fin de saison parisienne pas franchement enthousiasmante devraient pourtant inciter les spectateurs à se déplacer en masse pour ce spectacle rafraîchissant.

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