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Intégrale des trios avec piano

Schubert n'a pas besoin d'anniversaire pour qu'on parle de lui : sa récente « victoire » aux élections de Radio Classique a fait la Une du Monde de la Musique et ses mélodies intemporelles charment quasi quotidiennement les auditeurs de la radio parisienne. Le Voyage inachevé de Jean-Marc Geidel, fantaisie littéraire sur Schubert, vient d'être réédité chez l'Harmattan, et les frères Capuçon ont récemment gravé chez Virgin Classics leur interprétation des deux trios avec piano…

Ce sont d'ailleurs ces deux chef-d'œuvres que l'on retrouve sur ce présent disque, où les artistes sont les excellents et renommés , Dmitry Sitkovetzky et . Trois grands musiciens de tradition différente mais de passion commune qui se sont retrouvés au milieu des années 90 chez Diamond Classics pour enregistrer les deux trios pour piano, violon et violoncelle, mais aussi le fameux Notturno et la si rarement entendue Sonate D28, soit l'intégralité des œuvres pour cette formation.

Si le Trio en mi bémol l'a emporté dans le cœur des francophones, devant le Requiem de Mozart et la Symphonie n°9 de Beethoven, c'est en partie grâce au Barry Lyndon de Stanley Kubrick, et son utilisation systématique du thème principal de l'Andante. Une mélodie de Schubert parmi ses plus marquantes, pleine de nostalgie, qu'on a joie a réentendre ici par le magnifique violoncelle de Geringas, un des élèves préférés de Rostropovitch, le piano de et le violon de Dmitry Sitkovetzky. Leur interprétation toute entière de ce trio est d'ailleurs un vrai régal, avec un bel équilibre des trois instruments, une grande clarté musicale, un phrasé riche en accents, et des contrastes de tempi et de dynamique formidablement bien maîtrisés. Seul bémol, le finale qui démarre un peu mollement, et les quelques soucis de justesse qui gâchent de ci de là notre plaisir. Le retour toutefois si magique du thème de l'» andante » dans ce dernier mouvement nous fait vite oublier ces imprécisions… Aussi, comme trop souvent malheureusement, il est dommage que les musiciens n'aient pas choisi de jouer ce trio dans sa version originale, avec les deux passages omis par le compositeur lors de sa publication.

Le Trio en si bémol majeur, qui serait en réalité postérieur à celui en mi bémol dans la production de Schubert, jouit ici d'une interprétation également délicieuse. Son mouvement lent ne partage certes pas la célébrité mélodique de l'autre, mais il s'agit pourtant d'une magnifique romance sans paroles, tout aussi bouleversante, pleine de lyrisme élégiaque.

La Sonate D28, écrite par un Schubert de 15 ans, est une de ses œuvres de jeunesse les plus prophétiques, avec une écriture imaginative, fluide et homogène, proche de Haydn dans l'esprit. Les trois musiciens en proposent une interprétation pleine de tendresse et de fraîcheur, et même si ce n'est pas un chef-d'œuvre, il est toujours aussi émouvant de contempler ces étincelles de génie éparses qui scintillent dans les premières œuvres de Schubert…

Notre déception vient finalement du Notturno, ce très bel adagio composé en 1826, que les trois musiciens prennent sur un tempo sans doute bien trop allant, trahissant ainsi l'esprit de tranquillité qui règne à travers cette page mystérieuse.

Malgré un boîtier de présentation plutôt hideux, voilà un double album de très bonne qualité musicale dans l'ensemble, et ce à prix économique, à conseiller surtout à ceux qui découvrent les trios de Schubert.

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