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Olivier Greif au-delà des limites du possible

Saphir Productions a placé la barre très haut avec la création mondiale du Codex Domini de .

Achevée le 25 novembre 1994 (c'était hier), cette sonate pour piano est à l'image de toute l'œuvre de Grief : inclassable ! Grâce à des mélodies particulièrement envoûtantes et lancinantes, le compositeur cherche à explorer toutes les possibilités de l'instrument, comme s'il voulait le forcer donner en permanence le meilleur de lui-même. Sur le plan de l'harmonie, Greif n'utilise pas que des accords strictement parfaits, loin de là. Mais cette manière d'explorer les limites du possible est fascinante. Interprétée avec beaucoup de soin et de conviction par le pianiste Jong Hwa Park, Codex Domini attire l'oreille comme un tableau flamboyant attirerait le regard. Ce jeune virtuose a bien compris comment rendre l'atmosphère mystérieuse de ces trois mouvements. On imagine le plaisir qu'il a dû prendre à faire danser ses doigts sur tout le registre du clavier : Grief aime forcer les limites, il a besoin de la plus grande tessiture possible pour pouvoir s'exprimer librement. Et le résultat est enthousiasmant.

La Sonate pour violon et piano n°2 est celle qui permit au jeune Olivier (17 ans !) de remporter son Premier prix de composition au Conservatoire en 1967. Possédant une grande richesse mélodique, elle n'en est pas moins profondément moderne. Bien qu'indispensable, la virtuosité nécessaire pour interpréter cette sonate permet simplement aux interprètes d'être à l'aise pour mieux se concentrer sur cette musique novatrice.

Donné en première audition en avril 1974, le cycle des cinq lieder Wiener Konzert sur des poèmes de Heinrich Heine réunit dans ce «concert viennois» cinq poèmes parmi les plus mortifères du Lyrisches Intermezzo, qui en contient soixante-cinq. et Charles Bouisset sont très convaincants, leur interprétation très expressive révèle la profondeur et les subtilités de cette œuvre de facture originale. Quant au Tombeau de Ravel (commandé à Greif en 1975 à l'occasion du centenaire de la naissance du père du Boléro) c'est une œuvre pour piano à quatre mains, de facture complexe. Après une superbe passacaille lente surgit une fugue particulièrement endiablée, qui semble exprimer toute la puissance d'une vive force intérieure qui serait trop longtemps restée contenue. Le motif générateur, implacablement répété, confère un aspect presque hallucinatoire à l'ensemble qui nécessite un haut degré de virtuosité. Vivacité, force du dynamisme, beauté des harmonies, palette sonore inédite : tout concourt à un intense plaisir musical qui nous guide vers la sagesse. A écouter avec réel bonheur.

On aurait cependant apprécié que le petit fascicule nous renseigne un peu plus sur , qui demeure encore malheureusement un des compositeurs français les plus méconnus, d'autant plus que ce CD lui est entièrement consacré. Aucune mention de son année de naissance ni de décès, ni même mention de son œuvre, pourtant riche de plus de 300 opus, que l'on commence seulement à découvrir : sonates pour piano, pour violon et piano, voix et piano, ou même symphonie pour voix et orchestre… ne s'est pas cantonné dans un genre particulier.

Espérons que ce disque, dont l'édition est une initiative courageuse, contribue à réparer cette injustice.

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