Le livre de Michèle Reverdy est organisé autour de cinquante questions qui composent cinq différentes parties : le compositeur, la réception, les langages, les institutions et les œuvres. Le titre pourrait piéger le lecteur moins averti : il ne s'agit pas d'un traité sur la composition aujourd'hui, ni d'une guide sur les différentes esthétiques contemporaines.
Les questions présentées sous la forme d'un grand entretien, ne sont qu'un véritable prétexte pour aborder de nombreuses notions abstraites ou non, en relation avec le langage musical. Dans une langue simple et directe, l'auteur-compositeur nous fait découvrir ses goûts musicaux et ses dégoûts (pour la techno et le rap par exemple, qu'elle considère d'une pauvreté affligeante), son amour pour l'art, son plus grand divertissement : le silence.
A travers de nombreux exemples musicaux, Reverdy met en lumière les constantes historiques dans la composition musicale, la façon similaire des compositeurs de différentes époques d'inventer des systèmes combinatoires, de développer l'écoute contrapuntique et harmonique de la musique, de mettre en relation le matériau et la forme, d'explorer le timbre.
C'est pourquoi on dirait que ce livre donne l'occasion au compositeur de réfléchir sur la musique d'aujourd'hui et en même temps, de mettre à nu ses pensées musicales à destination d'un public d'amateurs et de professionnels de la culture.
On découvre ses propres démarches dans le monde musical, ses sources d'inspiration (normalement tirées de l'art), ses procédés de composition, son attitude dans l'écriture, qui vise à opérer une transmutation ininterrompue de la matière initiale dans toutes ses composantes, afin de donner naissance à des images sonores qui, tout en gardant la même origine, se présentent à chaque fois renouvelées. S'appuyant sur des souvenirs sonores, sur des impressions de « déjà entendu », l'auditeur est ainsi plongé dans un univers familier et réconfortant qui « laisse intacte l'excitation de la découverte et préserve la part créative ».
Le livre ne manquera pas de susciter des polémiques. L'auteur signale ouvertement son découragement vers les institutions, les directeurs de festivals, les éditeurs : les « décideurs » de la musique, ainsi qu'elle les appelle. Sa remarque révèle une certaine désaffection de la part de la radio France-Culture pour les œuvres élaborées et complexes et plus généralement dénonce, de la part des « opérateurs culturels », une démarche, une sorte de politique visant à ne faire connaître au grand public que peu de compositeurs contemporains. Malgré ces obstacles, l'acharnement à la cause de la musique contemporaine continue à être le moteur de recherches sophistiquées et surprenantes de la part de compositeurs enthousiastes et motivés telle que s'affirme Michèle Reverdy.