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La musique d’aujourd’hui en train de s’écrire : on y était !

Musiques du XXe siècle

On y était, quelle chance ! Les Debussy, Wagner, et autres Mahler de demain seraient-ils boudés à l'instar de leurs illustres aînés ? Le 28 juin à Avignon, il n'y avait guère que deux cents personnes (dont des parents et amis) pour applaudir, ou du moins écouter, des œuvres qui venaient juste de jaillir de la plume de leurs auteurs.

Admettons que ces œuvres ne nous paraissent pas immédiatement familières, ni même accessibles. Admettons qu'elles parlent plus à notre intelligence qu'à notre sensibilité. Mais du moins, comment pourrait-on les apprivoiser, comme le petit prince avec son renard, si l'on ne cherche même pas à les approcher ?

A l'opéra d'Avignon donc, deux créations mondiales étaient à l'affiche dans le même concert, et trois des cinq compositeurs joués étaient présents ! Preuve que la musique contemporaine est d'une étonnante vitalité… Et d'une étonnante jeunesse : le chef (), l'un des compositeurs () et l'un des cornistes solo (Bruno Caulier) ont à eux trois à peine dépassé les 100 ans !

Résumons donc en quelques chiffres : jeudi 28 juin 2007, se donnait l'un des concerts du 11ème Festival de Cor d'Avignon et des Pays de Vaucluse. 5 œuvres du XXe siècle étaient à l'affiche. 2 des œuvres, la première et la dernière, étaient en création mondiale. 3 des compositeurs étaient présents (outre les auteurs des 2 créations, Roland Schœlinck était dans la salle). Parmi les solistes, 3 cors venaient respectivement de Bordeaux (Jean Dalmasso), Bruxelles (Jean-Pierre Dassonville) et Nice (Bruno Caulier), et 3 artistes appartenaient à l'OLRAP (Dider Comte-trombone, Alain Longearet-trompette, et Eric Sombret-cor).

Mais les chiffres ne sont rien sans le souffle qui les habite. La soirée a commencé en frappant fort, au propre et au figuré, par le concerto Scorrevole de , qui offrait pour la première fois une composition pour cor. Les interprètes (les musiciens de l'OLRAP) se sont montrés très concentrés, mais peut-être faut-il mettre cette crispation sur le compte de l'enjeu. Difficile, pour un public non-spécialiste, de retrouver dans cette œuvre un contexte rassurant, de rythmes, de tempi et autres mélodies… L'esthétique y joue dans le discontinu, la rupture, la surprise : les basses dans les percussions s'en sont donné à cœur joie. Mais nous avons au moins été mis en appétit par ces saveurs nouvelles, même déroutantes.

Dans les trois pièces suivantes, nous avons pu « nous installer » plus confortablement, identifiant ici une phrase mélodique, là le triptyque du concerto, nous sentant donc dans un paysage moins intimidant…

En clôture, ce fut Obsidienne de Dominique Lièvre. Nous y avons apprécié l'équilibre des divers pupitres, la part donnée à chacun de ceux qui restent souvent dans l'ombre, le jeu des rythmes divers, et une impression générale d'harmonie. Et de toute évidence cette impression a été partagée par les interprètes au grand complet, dont le sourire rayonnant, au salut final, était un pur bonheur pour tous.

Nous y étions, nous étions heureux d'en être, et nous avons plaisir à saluer l'aimable spontanéité des compositeurs ( et Dominique Lièvre) quand nous avons entamé avec eux un dialogue informel à l'entracte. Si l'auteur d'Obsidienne est un habitué de la composition pour cor, celui de Scorrevole s'y essayait pour la première fois, mais compte bien récidiver. « Composer pour est un très grand plaisir. C'est l'un des meilleurs cornistes d'aujourd'hui, et il possède des ressources inouïes. Il m'avait donné un cahier des charges précis : je ne devais pas aller en-deçà-de… ni au-delà de… Je me suis amusé à ne pas respecter ses consignes, … et il a parfaitement réussi dans l'interprétation ! ». Dominique Lièvre, lui, a des projets pour le festival de cor 2008, Messiaen lui offrant une opportunité rêvée : Avignon va fêter en grande pompe le 100e anniversaire du compositeur (qui y est né en décembre 1908), et Dominique Lièvre a eu la chance de le rencontrer, de le fréquenter, de recueillir ses conseils et ses encouragements… Un témoignage de premier choix.

Crédit photographique : Dominique Lièvre & Jean-Louis Agobet – DR

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