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Yuri Ahronovitch : La « Leningrad » racontée par un survivant

« Cette symphonie n'est pas simplement la célébration de la victoire sur le fascisme, elle célèbre également la victoire du bien sur le mal, de l'humanisme sur l'obscurantisme, de la vie sur la mort », confiait au chef d'orchestre (1932-2002), qui avait lui-même vécu le blocus de Leningrad. Ahronovitch, encore un enfant, fut bouleversé par cette Symphonie n°7 lorsqu'il l'entendit dans la ville assiégée en 1942. Une expérience qu'il put raconter à Chostakovitch à l'occasion de leur première collaboration sur l'interprétation de cette symphonie. Le compositeur, impressionné à son tour, lui fera répéter cette histoire à chaque fois qu'ils travailleront ensemble.

connaissait bien la guerre et les ravages du totalitarisme. Quand il tenta de fuir Leningrad, le train fut bombardé à 100 km de la ville, et le jeune garçon compta parmi les rares 70 survivants. Il mit deux mois à retourner dans la ville à pied. En 1943, il fut récompensé par la prestigieuse Médaille Militaire pour la Défense de Leningrad. Il finit sa formation musicale en 1954, mais fut interdit de voyages hors d'URSS comme la plupart des artistes soviétiques. Il dirigea l'Orchestre Philharmonique de Leningrad en 1962, devint Directeur Musical et Chef principal de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Moscou en 1964, mais l'Ouest ne le découvrit qu'à compter de son émigration en Israël en 1972. Durant le reste de sa carrière, il voyagea et dirigea un nombre impressionnant d'orchestres et accompagna les plus grands solistes à travers le monde. Ses deux postes principaux furent celui de Chef principal de l'Orchestre Gürzenich de Cologne de 1975 à 1986, et Chef Principal de l'Orchestre Philarmonique Royal de Stockholm à compter de 1982. Il disparut le 31 octobre 2002, peu après un ultime concert le 4 octobre avec l'Orchestre de Paris au théâtre Mogador et la Symphonie n°3 « Le Divin Poème » de Scriabine. Une œuvre qui convenait à son style de direction romantique et énergique.

Cet enregistrement de concert de la Leningrad est particulièrement intéressant au regard du lien extrêmement étroit existant entre la vie de ce grand chef russe et cette œuvre qui a joué un rôle historique marquant pour le peuple soviétique. Au premier mouvement, la longue pause que marque le chef entre l'introduction et le début de la marche barbare est particulièrement lourde de signification, comme un dernier moment de méditation, de recueillement avant de passer un seuil de l'Enfer. Ahronovitch se situe dans un style d'interprétation « authentique », c'est-à-dire tendu et énergique, narratif mais non anecdotique, avec une autorité morale dans cette œuvre à laquelle peu de chefs peuvent prétendre. Si l'intégrale des symphonies de Chostakovitch par l'Orchestre Gürzenich de Cologne a été saluée dans nos colonnes (lire notre chronique), une partie de ce succès n'en revient-elle pas à Ahronovitch, puisqu'il fut durant 11 années son chef principal ? Quoi qu'il en soit, le présent enregistrement vaut le détour pour les passionnés de la Symphonie « Leningrad ».

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