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L’ennui selon Robert Schumann

Les Jardins Musicaux

Depuis dix ans, l'espace d'une dizaine de jours, le festival Les Jardins Musicaux s'empare de la grange de l'Ecole cantonale neuchâteloise d'agriculture. On en sort le foin, on y installe une scène, des gradins et dans l'odeur douçâtre de l'écurie attenante où piaffent quelques chevaux, le chef d'orchestre Valentin Reymond programme des œuvres qui ont rarement la primeur des salles traditionnelles. Avec des concerts se prolongeant rarement au-delà de l'heure, le choix des œuvres peut se permettre l'hétéroclite. Ainsi, dans une même journée, côtoie Piotr Tchaïkovski, Dmitri Chostakovitch, ou les contemporains Martin Wettstein et Guy Bovet.

L'œuvre liturgique au programme du dimanche matin s'est articulée autour de la rare Messe sacrée de Schumann. Dès les premiers versets, on comprend l'oubli dans lequel la postérité a laissé cette messe hors du répertoire des œuvres religieuses classiques. Noyée dans une sensibilité romantique exagérée, elle manque sensiblement de puissance et d'élévation spirituelle.

Si l'œuvre de Schumann est peu porteuse, la prestation du Chœur Pro Arte Lausanne ne parvient pas à lui donner les couleurs d'une spiritualité qu'on espère. Pas très à l'aise, se confondant dans un relâchement vocal proche de l'évanouissement mélodique, l'ensemble vocal lausannois montre rapidement ses limites. Si les voix féminines sont d'un niveau acceptable, les basses, comme les barytons et les ténors pêchent résolument par manque d'énergie et de couleurs vocales. Malgré les réelles qualités démontrées dans ses pianissimi, le Chœur Pro Arte tend cependant à uniformiser son chant dans une tiédeur craintive. Dès lors, comme tout est chanté à demi voix, les accompagnements d'orgue de François Margot se fondent dans une inévitable discrétion sonore ajoutant à la moiteur générale. Seuls instants de relatif intérêt, l'intervention de la soprano Jeannette Fischer dans l'Offertorium et dans le Sanctus, où la clarté de sa voix et son engagement spirituel tentent vainement de sortir l'œuvre de la torpeur dans laquelle elle semble se complaire.

Dommage que le chef n'ait pas su profiter de la relative platitude de l'œuvre de Schumann pour oser lui donner des accents nouveaux. C'est l'ennui selon Schumann qui aura eu raison de la timidité de Pascal Mayer.

Crédit photographique : Pierre-William Henry © DR

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