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Chostakovitch par le Quatuor Amati, y a d’la joie ?

Le trait commun entre le Quintette avec piano (1940) et le Quatuor n°12 (1968) de est Dmitri Tsyganov, premier violon du Quatuor Beethoven. Chostakovitch s'était lié d'amitié avec lui lors de la création du Quintette, œuvre qui lui valut le fabuleux Prix Staline et qui compte toujours parmi les plus grandes réussites du compositeur. Vingt-huit ans plus tard, hanté par la mort, Chostakovitch dédia le Quatuor n°12 à son ami Tsyganov. A l'invention prolifique du Quintette s'opposent les couleurs restreintes, l'austérité du Quatuor, mais tous deux se concluent sur une fin optimiste.

Le est une formation suisse fondée en 1981 qui se partage entre le grand répertoire classique et romantique, Haydn, Mozart, Schumann, et des œuvres modernes et moins fréquentées, telles celles de Charles Ives, Eduard Steuermann ou Emil Bohnke. Ce disque témoigne de leur incursion dans le répertoire russe, auquel leur formation auprès des grands quatuors de l'Ouest, comme le Quatuor Alban Berg ou le Quatuor Amadeus, ne les a pas nécessairement préparés. De manière très logique, leur interprétation de Chostakovitch ne sonne pas russe, elle aurait presque une légèreté viennoise. Cela n'est pas en soi un obstacle, la musique de Chostakovitch étant nourrie de l'héritage européen et la qualité de son écriture permet de soutenir différentes écoles d'interprétation. La frustration en l'espèce naît de la disparition du caractère ambivalent de la musique. Les passages enjoués, lyriques, champêtres, sont joués par les Amati et exactement comme ils sont écrits, là où le Quatuor Borodine faisait pressentir un gouffre derrière la joie. Dans le Quatuor n°12, l'approche optimiste des Amati qui s'entend dès les premières mesures compromet la progression dramatique de l'œuvre. Du coup, on ne peut plus percevoir qu'elle évolue de l'abattement – exprimé dans l'introduction par une très expressive série de notes dodécaphonique – vers un final plus optimiste en ré majeur.

Il y a de la joie chez Chostakovitch, mais dans son œuvre personnel, et c'est particulièrement le cas de sa musique de chambre, elle n'est jamais sans mélange ni double sens. Négliger la dimension cryptée de la musique de Chostakovitch, c'est prendre le risque d'affaiblir son expression, et cela se vérifie ici malheureusement. Il faut noter que ces enregistrements sont relativement anciens, puisqu'ils remontent à 1999 et 2000, et ne rendent pas nécessairement compte de l'interprétation actuelle des Amati. Il est possible qu'ils aient approfondi leur connaissance de l'univers de Chostakovitch au cours des dernières années. En toute hypothèse, la question de la pertinence de cette publication, s'agissant d'une formation qui a fait ses preuves dans d'autres répertoires, peut être posée.

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