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Myth par Sidi Larbi Cherkaoui : Rats de bibliothèque

« Myth » est le premier spectacle de la saison danse au Théâtre de la Ville, dont on vient d'apprendre le nom du futur directeur à compter du printemps 2008 : le metteur en scène Emmanuel Demarcy-Motta.

Espérons que celui-ci saura réserver à la danse contemporaine la place et la visibilité exceptionnelle que lui a offert Gérard Violette pendant ses vingt années de mandat. Parmi les découvertes de ce directeur hors normes figure , qui est aujourd'hui l'une des nouvelles stars de la danse flamande. Depuis son coup d'essai en 2000 avec « Rien de rien », ce transfuge des ballets C. de la B. s'est fait une spécialité d'associer musique ancienne « live » et danse très physique. Cette association culmine aujourd'hui avec « Myth », qui convie sur scène 14 danseurs-acteurs et les sept musiciens de l'ensemble Micrologus pour une danse macabre dans un décor de bibliothèque universitaire.

Comme des rats de bibliothèque, des danseurs devenus des ombres (doit-on les appeler les fantômes ?) jouent des tours aux cinq personnages présents sur scène : un grand black efféminé, une jeune fille trisomique, une rousse en chignon banane, une dame en gants blancs et un militaire, qui endosseront tour à tour des costumes aussi divers que ceux de la menine espagnole ou du danseur de claquettes. Vêtues de sarouels noirs, ces ombres s'incarnent parfaitement dans la musique espagnole et italienne ancienne jouée au-dessus de la scène. Tantôt gorgones, personnages maléfiques ou lutins bienveillants, ces trolls sombres revisitent un bestiaire fantastique tout juste descendu des chapiteaux romans ou des enluminures médiévales. Ce ne sont ni une tresse d'ail, ni une croix d'exorciste, ni un coin en bois qui permettront de se débarrasser de ces mauvais esprits. Souple et virtuose, la danse de ces baladins, fabuleux troubadours, emprunte à tous les styles, irlandais, oriental, acrobatique ou circassien.

On ne voit cependant pas dans ce spectacle, curieusement divisé en chapitres, la référence promise aux mythes de l'humanité qu'évoque le titre. Certes, ces figures mystiques sont parfois empreintes de religiosité. Certes, toutes les langues ont droit de cité autour des personnages disparates. Mais réduire la mythologie à « Alice au pays des merveilles » ou au « Magicien d'Oz » semble vraiment un peu court pour un spectacle fleuve (deux heures !) qui n'est riche ni en images, ni en sens. Il faut alors se contenter des monologues parfois croustillants d'un black qui ne sait pas s'il est un homme ou une femme, ou des crises d'hystérie contrôlées d'une bibliothécaire rousse un peu coincée au milieu d'une dramaturgie un tantinet répétitive. Jusqu'au 6 octobre 2007 au Théâtre de la Ville

Crédit photographique © Laurent Philippe

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