- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Cabanilles, par Montserrat Torrent

Le présent disque est le report d'un célèbre microsillon de la collection d'André Charlin, paru en 1969, et qui bénéficie ici d'un excellent transfert numérique tout en justifiant aussi un minutage très chiche. C'était une époque très excitante de découvertes d'instruments aussi insolites que nouveaux à nos oreilles habituées au mœlleux des orgues symphoniques français. Ici, grâce à une prise de son révolutionnaire (tête artificielle stéréo à deux micros inventée par André Charlin lui-même), les sonorités rugueuses et colorées de cet orgue ancien captivent efficacement l'oreille. Certes, depuis sa construction au XVe siècle, il fut souvent remanié, mais gardait encore ici toute sa superbe. Un travail soigné : l'orgue est juste, le programme bien choisi dans cet océan de pièces d'orgues écrites par l'organiste valencien , plus de mille deux cents ( !), nous dit-on, et dont à peine le quart est édité encore aujourd'hui.

se montre ici sous son meilleur jour, tant par le jeu souvent alerte, que par des registrations attirantes. Certes, son approche est le reflet d'une école et d'une époque, sortie tout droit d'un certain néo-classicisme, le toucher est assez « legato », mais on se laisse séduire tout de même. La comparaison avec les disques de Francis Chapelet enregistrés à la même époque pour Harmonia Mundi sont très instructifs à ce sujet, ce dernier ouvrant d'autres horizons plus nets dans la re-découverte de l'interprétation « baroqueuse », et un choix d'instruments plus authentiques, car mieux préservés par des transformations abusives. Signalons que le présent orgue de Daroca est en restauration actuellement sous la houlette de Pascal Quoirin, grand facteur d'orgue français : Sainte-Croix de Bordeaux, c'est lui !

Le discours de Cabanilles est riche d'un sens aigu de la polyphonie, de la danse, et de la mélodie, comme dans le superbe Tiento sur l'hymne Marial « Ave Maris Stella ». Il est l'exact contemporain de Buxtehude en Allemagne, et arrive par des moyens assez différents à captiver de la même manière son auditoire. Le titre du disque nous parle des « trompettes en chamade », ces fameux jeux si caractéristiques de l'orgue Espagnol du XVIIIe siècle, placés à l'horizontale, et qui offrent un son fort, direct, incisif, en accord avec l'écriture.

Les pièces paraphrasant les batailles y trouvent ici toute leur place et leur logique, du coup, cela permet à André Charlin de proposer un son « inouï », très utile pour la démonstration de son système. Malgré son âge (plus de trente huit ans) ce son analogique peut faire pâlir certains numériques. André Charlin était un scientifique, un pionnier, un visionnaire mais surtout un immense poète.

(Visited 614 times, 1 visits today)