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Saxe and Sun for Bouzignac

Le cas de , le Languedocien, qui aurait exercé ses talents sous Louis XIII, demeure assez particulier et pour tout dire, encore énigmatique. Déjà par ses dates – imprécises – de naissance et de décès, le déroulement de sa carrière, laquelle, s'il nous en sont donnés quelques jalons – tous provinciaux – (études à Narbonne, puis maître de chapelle à Angoulême, Grenoble, Rodez, Bourges, Tours, Clermont-Ferrand…), comporte néanmoins quelques zones d'ombre ; ainsi les années 1610 à 1624 durant lesquelles il aurait vraisemblablement quitté la France pour quelques incursions ibériques ou (et ?) transalpines. Par l'œuvre, enfin, dont ne subsiste aucune partition imprimée hors les deux manuscrits retrouvés (au XXe siècle !), l'un à la bibliothèque de Tours, et l'autre à la B. N. de Paris, et qui regroupent à peine plus d'une centaine de pièces, dont une trentaine seulement portent, avérée, sa signature. Ce qui explique, d'une part, la prudence – et la parcimonie – avec laquelle on se risque à enregistrer et donner en concert les musiques de Bouzignac, et d'autre part, le fait que les rares enregistrements réalisés (et les pièces données en concert) sont, à peu de choses près, toujours les mêmes. Mais qu'importe ! Puisque la qualité et l'originalité, dans son cas, priment grandement sur la quantité.

Si l'on compare avec les deux réalisations discographiques-références antérieures, dans ce répertoire : Olivier Schneebeli et l'ensemble Contrepoint (Arion 1984) et William Christie, avec les Pages de La Chapelle et les Arts Flo. (H. M. 1993, récemment réédité en collection économique « Musique d'abord »), on constate que le chœur allemand travaille ici « sans filet » : c'est du vocal 100% a cappella, qui s'affranchit de la contingence « latin prononcé à la française » (et ça n'en est pas plus mal…), remarquable d'équilibre et de justesse, avec une superbe et très homogène « pâte sonore », que la prise de son (hautement technique et voulue comme telle) valorise à merveille (mais l'enregistrement supporte aussi une classique stéréo). L'ensemble saxon nous livre un Bouzignac de grande clarté, qui irradie de lumière, comme un vitrail aux complexes motifs narratifs, sous le soleil.

Dans le détail, cependant, des pièces en dialogue (sur le thème de la Passion, de la Nativité…) voient leur dramatisme quelque peu atténué, par le fait de contrastes peut-être insuffisamment accentués, par des voix solistes – certes fort belles – mais trop peu « caractérisées (ainsi dans Ecce homo ou Unus ex vobis…), ou encore par l'option instrumentale absente ; particulièrement dans le Te Deum et plus encore dans l'admirable In pace in idipsum, curieusement écourté ici, où les violes de l'ensemble Orlando Gibbons, chez Christie, ajoutent tellement à l'émotion ! En revanche, une ou deux perles, présentes sur ce disque, tel ce Beati mortui (comme un écho au célèbre Selig sind die Toten de Schütz) constituent un « plus » considérable et plaident en sa faveur.

Au final, même s'il n'éclipse pas vraiment la concurrence ici évoquée, quant à la mise en valeur des musiques de Bouzignac, cet enregistrement mérite amplement qu'on s'y arrête ; ne serait-ce que pour les remarquables qualités du chœur saxon, intelligemment et subtilement conduit par , et pour la réelle prouesse technique réalisée dans la prise de son. A coup sûr : un disque audiophile !

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