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Die Zauberflöte, un conte au premier degré

Entre ce conte pour petits et grands enfants et cette grand'messe ésotérico-maçonnique que peut être La Flûte enchantée, , Stanley Garner et auront vite tranché. Ce sera le conte.

D'une symbolique généralement et justement associée à l'œuvre ne subsisteront ce soir que quelques formes (deux ou trois triangles ici et là), quelques objets (ce gros compas suspendu au-dessus de l'immense pyramide, centrale aux décors)… dont on se demande alors ce qu'ils viennent faire ici ! Reste donc, et c'est déjà beaucoup, cette fable composée à coups de grosses ficelles pour qu'elle puisse être comprise de tous, une étonnante histoire peuplée de dragons et de bien vilaines dames, le voyage bourré d'aventures (de mille trouvailles visuelles) d'un jeune et beau prince en quête de sa belle, la traversée de royaumes exotiques, lieux de tous les dangers, la rencontre d'animaux fabuleux, savoureusement peinturlurés, la découverte d'un monde clos, quelque peu guindé, étrangement codé.

Sentiments, aventures, humour, didactisme, tous les ingrédients du conte y sont donc, qui, vif et bien mené, fonctionne alors à plein, comme peut fonctionner une Planète des Singes, et vous passe, furtif et leste, comme une lettre à la poste. Les tempi, résolument (trop) accélérés, (trop) abrupts de , débarrassés de toute solennité plus ou moins ronflante, jouent, eux aussi, et comme pour enfoncer le clou, la transparence et la légèreté du conte (mais il faudra plus de trente minutes pour que fosse et scène sachent s'accommoder).

La mise en scène de Stanley Garner se prête au jeu. Animée, fraîche, elle regorge d'atmosphères et de surprises. Le public est conquis. Certains (j'en suis) seront déçus, car cette Zauberflöte, qu'on le veuille ou non, demeure, envers et contre tout, … initiatique… pour ne pas écrire maçonnique. Tamino n'est pas , la Flûte, Les Mines du Roi Salomon ! Pour illustrer cette fiction, pour la colorier, San Francisco a su agencer un plateau de luxe : Piotr Beczala campe un Tamino diablement investi, juvénile, mordu, bien déterminé à conquérir sa blonde. La voix sonne vigoureuse et spontanée (Dies Bildnis… ), le timbre clair et viril. Papageno, lui, crève l'écran. Naïf et benêt comme il se doit, sensé comme l'Everyman d'une scène moyen-âgeuse, saura cerner le personnage, en peindre les élans, la bonhomie. La voix, chaude et bien timbrée, suivra tout naturellement. , ovationnée en fin de parcours, redoutablement virtuose, au contre-fa ravageur, parvient, pour plagier E. M. Forster, à « arrondir » sa Reine de la Nuit, à en faire un véritable protagoniste du drame. Un soprano lyrique d'une grande pureté, un timbre lumineux, un chant sobre et contrôlé, font de une très très solide Pamina.

De gros bons points également pour (Monostatos), , , (les trois jeunes garçons), sans oublier le très honorable Sarastro de , la spirituelle et malicieuse Papagena de . Nos trois dames, elles, manquent de punch. Inutile de revenir sur la direction précipitée de Runnicles, sur le total mépris qu'il réserve aux chanteurs ! Inutile également de bouder notre plaisir. Vocalement de force dix, cette Flûte (qui nous vient de Los Angeles), bien que le message qu'elle porte en soi en ait été gommé, amuse et divertit, et c'est très bien ainsi.

Crédit photographique : (Papageno) ; (Sarastro) © Terrence McCarthy

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