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Schumann par Éric Le Sage, magistral

La musique pour piano de Schumann n'est peut-être finalement pas autre chose que le fidèle reflet de son moi profond – son « lui » profond, plutôt – à chacun des moments importants de sa vie.

Musique enjouée quand tout va bien, désespérée quand tout va mal et au bord de l'abîme quand la raison vacille et elle a vacillé souvent. Tout ceci conduit l'auditeur à se retrouver en face d'un monument de la musique pour piano, de la musique tout court en fait, aussi vaste que varié.

Ce programme, qui doit s'envisager avec la figure de Clara bien présente à l'esprit, débute par une œuvre extraordinaire : la Sonate en fa mineur opus 14, prévue à l'origine – et interprétée ici – en cinq mouvements mais qui a tellement fait peur à l'éditeur Haslinger de Vienne, que ce dernier a demandé à Schumann d'en supprimer deux mouvements et de la nommer Concert sans orchestre plutôt que Sonate, c'est dire l'ambiance orchestrale de l'œuvre. Moins connue que d'autres partitions, cette musique, sans doute parmi les plus difficiles à jouer du compositeur, décoiffe littéralement : nous sommes emportés dans un tourbillon de notes et d'atmosphères qui n'ont rien à envier à Beethoven, pour rester dans le domaine de la sonate pour piano. Les Impromptus sur un thème de Clara Wieck opus 5 qui suivent ont emprunté à Schubert leur titre mais nous sommes ici plus proches des Variations Diabelli de Beethoven ou même des Variations Goldberg de Bach que de pièces improvisées. Citer Bach n'est pas fortuit ni exagéré : la musique pour piano de Schumann est la plus contrapuntique de l'époque romantique et c'est un bonheur d'arriver à percevoir une discrète partie intermédiaire reprenant en imitation ce qui vient d'être joué à découvert. Et même si l'improvisation semble présider à la conception de la Fantaisie pour clavier en ut majeur opus 17, ce triptyque est encore une fois le fruit d'un hommage à Clara et d'un magnifique travail de composition grâce auquel chaque passage est une réussite.

Eric Le Sage poursuit avec cet album son intégrale de la musique pour piano et de chambre de et, si elle se poursuit de la même manière, cette série fera vraisemblablement date : magnifiquement interprétée et enregistrée, chaque pièce – connue ou pas – devient passionnante à écouter, aussi bien dans la délicatesse que dans la force. C'est beau, le piano bien joué. Conquête totale. À quand la suite ?

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