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Curieuse intégrale Scriabine par Leif Segerstam

Après de beaux succès dans Rimsky-Korsakov et Glazounov, le label BIS nous offre en coffret ses enregistrements Scriabine sous la conduite de l'imposant . Ce petit boîtier est à replacer dans le cadre d'une vogue Scriabine, au cours des années 1980-1990, qui a vu se multiplier les enregistrements de ses symphonies. Jusqu'à cette période la seule intégrale disponible était celle d'Evgueni Svetlanov chez Melodiya, mais ce travail était, en terme de restitution sonore des plus précaires. Les archivistes pouvaient aussi chercher les témoignages assez démentiels de Nikolaï Golovanov. La décennie 1980 à vue se multiplier les tentatives par Vladimir Fedosseïev (Chant du Monde), Eliahu Inbal (Philips), Riccardo Muti (EMI), Dimitri Kitaenko (RCA), puis au cours des années 1980, ce groupe s'est vu renforcé des versions de Vladimir Ashkenazy (Decca), d'un second essai d'Evgueni Svetlanov (Warner) et d'une intégrale d'Igor Golovschin (Naxos). Enregistré entre 1989 et 1991, ce travail est une sorte de trait d'union entre ces deux décennies « intégralistes ».

Il est très difficile de parler de cette vision car le chef finlandais explore au scalpel et fouille comme rarement ces partitions. Il triture parfois beaucoup trop le texte, mais pour qui connaît et aime ces pièces, c'est un véritable régal car Segerstam fait surgir des détails et des phrasés inattendus. Bien sur, tout cela n'est pas naturel, ni fluide, ni romantique et les amoureux des versions emportées de Svetlanov en seront pour leurs frais.

Le chef tire ces partitions inclassables quelque part entre Tchaïkovski et Rachmaninov avec le côté épique de la symphonie Manfred du compositeur du Lac des cygnes et le côté novateur des premiers essais radicaux du pianiste virtuose post-romantique (comme sa Symphonie n°1). On frise parfois le décrochage comme dans la Symphonie n°1, mais cette vision s'affirme avec une indéniable logique. Ce traitement convient moins au Poème de l'extase et à Prométhée qui apparaissent lourds de pesanteurs analytiques. Le Concerto pour piano est lui un peu trop rapproché des opus de Rachmaninov et il en perd sa fraîcheur si subtile. Les solistes, à l'exception des deux chanteurs de la Symphonie n°1, sont de très bon niveau.

Donc en terme de choix les données sont simples : les deux versions Svetlanov et surtout Ashkenazy sont des choix prioritaires pour ces symphonies, mais les curieux et les fans de ces pièces sauront rendre grâce aux innombrables options ouvertes par Segerstam.

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