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Un chant du cygne des plus dignes

Avec une discographie dense et illustre, ayant acquis une très bonne réputation internationale, le s'arrête. Le concert au Théâtre des Bouffes du Nord était l'antépénultième d'une carrière de trente sept ans. Si bien que l'auditoire semblait avoir du mal à ne pas écouter les œuvres de Mozart, Janáček et Beethoven, sans y chercher un pincement mélancolique.

Le concert a commencé par le Quatuor en si bémol majeur, l'un des quatuors dits « prussiens » parce que Mozart en a reçu la commande du roi de Prusse (et violoncelliste) Frédéric-Guillaume II. Si on pouvait déguster les timbrages implacables, le rubato sobre et sûr du violoncelle, la politesse presque débordante d'un contrepoint surappliqué, les auditeurs les plus en demande de mélancolie n'auront pas manqué de débusquer un caractère poignant dans ces passages si dépouillés et certes pas aussi analytiques que la partition ne pouvait le laisser prévoir. Par des nuances rapprochées, distinctes et bien assurées, par une mise en place comme excessivement parfaite et des évidences articulatoires toutes plus sidérantes les unes que les autres, le dessinait chaque période avec une plasticité déconcertante, peut-être même un peu fraîche.

Mais comme le veut la légende du chant du cygne, l'arrivée des concerts ultimes doit coïncider avec ce qu'il y a de plus beau. Comme, avec la dernière heure, était sensée se dégager une lueur inédite du Quatuor Vermeer. Et si l'une des trois œuvres au programme devait servir de testament et révéler ce que la formation avait toujours enfoui, cela devait sûrement être le premier quatuor de Janáček, fameux pour sa fulgurance (il a été écrit en une semaine) ou pour sa force dramatique (la virulence du compositeur suite à la Sonate à Kreutzer de Tolstoï). Au lieu de la bravoure basiquement viscérale, les musiciens ont restitué la partition avec une sorte de rigueur, comme s'il s'agissait de ne pas travestir la complexité du moindre expressionnisme. Si bien que le public a pu écouter à un Janáček sans compromis, abrupt, d'autant plus virulent et tout de même très typé.

En seconde partie, le Quatuor Vermeer jouait le deuxième des cinq derniers quatuors, l'opus 132 de Beethoven. « C'est une des œuvres les plus dignes de mon nom » disait même le compositeur. À nouveau, les musiciens mettaient à profit les moments les plus anti-conventionnels (comme ce moment d'accords plaqués, de voix parallèles), pour faire sonner des couleurs fascinantes tellement certaines, curieusement rocailleuses et sans aspérité.

Crédit photographique : DR

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