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Martha Argerich à l’Opéra de Lyon : « Entrez, c’est fermé ! »

UBS

Annoncé depuis des semaines, tout a été fait pour que le concert de , et l'UBS passe pour l'évènement musical de l'automne à Lyon. Et c'est l'Opéra de Serge Dorny qui s'offrait le luxe d'une telle affiche, pris d'assaut l'espace d'une soirée prestigieuse par la clientèle de la fameuse banque suisse.

Créé en 2000, l'UBS se compose des meilleurs jeunes talents musicaux originaires de 28 pays différents, membres de demain des plus grands orchestres internationaux : Philharmonique de Berlin, Philharmonique de Vienne, Metropolitan Opera de New York… Avec cet avant-dernier concert de la traditionnelle tournée internationale de l'automne, les artistes ont tous exposé leur talent et exprimé leur énorme vitalité dans le Concerto pour piano n°3 de Prokofiev et la Symphonie Fantastique de Berlioz, sous la baguette d'un qui se devait d'être tout aussi jeune et énergique que ses exécutants…

La première partie du concert était cependant celle de , toujours aussi populaire, toujours aussi talentueuse. Trop talentueuse peut-être dans ce concerto de Prokofiev aux rythmes endiablés et au ton clownesque, où la parfaite maîtrise de la vétérane argentine contrastait avec le jeu moins vivace de l'orchestre, moins mordant, obligeant Dutoit à assumer un rôle d'arbitre pour synchroniser les deux discours. Il faut dire que s'élance dans la partition avec une telle aisance qu'elle se permet ci-et-là des libertés de tempo ou de rythme qui ne peuvent que supplanter l'orchestre, mais est-ce vraiment si grave au fond, quand on conçoit la partition de Prokofiev comme une lutte acharnée entre deux discours indépendants où tous les coups sont permis… Enthousiasme triomphal en tout cas de la part du public qui a bien évidemment réclamé un bis de la star argentine, dispensé par une très belle mazurka de Chopin.

Flots de champagne et montagnes de chocolat suisse ont garni un long entracte, avant que ne reprenne le concert et le romantisme révolutionnaire de la Symphonie Fantastique de Berlioz. Agglutinés sur une scène incompatible avec les excès d'orchestration du compositeur, les jeunes talents ont déversé beaucoup d'envie et de passion dans leur interprétation, mais il a manqué ces petits plus pour que le public se sente vraiment sublimé par cette musique à programme, pas forcément accrocheuse par nature. Avec beaucoup de prestance, a pourtant dirigé son orchestre d'une main de maître, mais force est de constater qu'il manque à cet ensemble fraîchement constitué une certaine profondeur, une maturité sonore qui ne s'acquiert malheureusement que dans la durée.

L'initiative d'UBS de fonder et de soutenir cet orchestre est bien évidemment une chance merveilleuse pour ces jeunes musiciens en début de carrière professionnelle, d'autant plus qu'ils profitent de l'expérience et du talent de quelque unes des plus grandes vedettes actuelles : Martha Argerich, Maxim Vengerov, Sarah Chang, Barbara Hendricks, Thomas Quasthoff… On regrette juste que le concert n'ait pas davantage profité au « public commun », étranger aux sphères politico-financières d'UBS, dans un théâtre public d'ordinaire motivé par l'idée d'ouverture et de démocratisation de la culture. Mais vu les inquiétudes naissantes à l'égard de la réorganisation des subventions publiques en France, le mécénat semble être plus que jamais le Messie de la culture de demain : prions simplement pour qu'il soit un salvateur démocratique…

Crédit photographique : Stéphanie Argerich

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