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L’œuvre d’orgue de César Franck sur un monstre symphonique canadien

L'écoute d'une nouvelle version de l'œuvre d'orgue de s'accompagne d'une émotion à chaque fois renouvelée. Certes, les versions ne manquent pas (environ une cinquantaine), c'est dire, mais il y a toujours quelque chose à re-découvrir dans cette musique. Franck délimite ici une ligne de partage des eaux, comme Beethoven avec l'héroïque. Un nouveau monde de l'orgue était né, explorant des terres vierges. Cela vint à propos en ce XIXe siècle romantique, au moment même où Aristide Cavaillé-Coll avait conçu lui aussi un nouveau type d'orgue, résolument tourné vers le symphonisme et le modernisme. Franck en sera profondément marqué et inspiré à sa tribune parisienne de Sainte-Clotilde, au point que son œuvre parait bien perdue sur un autre type d'instrument.

Pourtant l'orgue entendu dans cette version s'écarte sensiblement de l'esthétique Cavaillé. Edifié par les frères Casavant en 1891 dans la grande nef de Notre-Dame de Montréal au Québec, (basilique restée inoubliable par ses boiseries néo-gothiques, et ornées de petites lampes bleutées, rappelant quelque décor de dessin animé de Walt Disney), le gros orgue trône, impressionnant au possible avec ses montres de 32 pieds. Les responsables de l'époque souhaitaient construire le plus grand instrument du pays : 122 jeux, sur 4 claviers et pédalier !

, natif de Montréal, ayant fait ses études en France auprès des Duruflé, Dupré et Langlais, est parfaitement rompu à ce répertoire, son style est irréprochable, il sait trouver l'équilibre juste avec cette palette sonore démesurée. Les registrations de Franck, du moins ce que l'on en sait vraiment, sont respectées malgré une trompette en chamade vraiment anachronique (nous sommes loin de celle de Saint-Ouen de Rouen !). L'usage des plein-jeux chez Franck, sujet de polémique, reste raisonnable. Il est d'ailleurs très difficile de s'y retrouver, puisque même l'édition originale parue chez Durand fût d'emblée corrigée par Eugène Gigout, même avant sa parution, donc ne soyons pas plus royaliste que le roi.

Merci au label Atma de nous faire connaître les artistes du Québec, jouant ici sur l'un des beaux spécimens symphoniques, témoin de la facture du XIXe siècle au Canada.

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